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LES LIVRES D’ÉTRENNES

Dans ces sombres mois d’hiver, aujourd’hui comme il y a juste un siècle, l’année s’achève sous les auspices d’une guerre où tous les fléaux déchaînés abattent par milliers des adversaires d’un égal courage. Jamais peut-être anniversaire n’apparut dans une lueur plus sinistre éclairant plus effroyable holocauste. 1812 ! Quelle date, quels souvenirs ! Comme elle est toujours présente et comme ils s’imposent dans l’évocation de la tragique Épopée qui s’achève ! 1812 ! La retraite de Russie ! Eugène-Melchior de Vogué l’a dit dans d’admirables pages, — les dernières qu’il ait écrites ici même, sur les Mémoires du général Philippe de Ségur, — « c’est l’immortel effroi des imaginations, attirées et révoltées par l’héroïque folie, transportées d’admiration devant le sublime du courage militaire, saisies d’horreur devant le spectacle de souffrances et de misères, auxquelles on s’étonne que des hommes aient pu survivre. » Il n’en est pas de plus grand assurément et qui renferme pour des français un plus bel exemple de patriotisme et de courage, une leçon plus haute donnée par le Destin à l’ambition humaine. Où pourrait-on mieux voir la vanité des grandeurs de ce monde ? Ce tableau à jamais mémorable, ces scènes observées par Ségur, et qu’il a retracées dans un récit dont la pensée ne saurait se détacher, sont remis en quelque sorte sous nos yeux dans une édition de grand luxe où l’image s’unit étroitement au texte dont elle s’inspire. C’est assurément l’une des plus belles publications de l’année, — les planches y sont aussi bien tirées, que le texte en est soigneusement imprimé, — et celle qui répond le mieux aux préoccupations de l’heure présente, au réveil de l’esprit militaire, à l’attrait pour la légende épique. A cet attrait s’en ajoute un autre : pour honorer tous ces morts connus ou inconnus, obscurs ou renommés, mais tous, généraux et soldats, égaux dans la tombe, Russes et Français, si longtemps rivaux et maintenant alliés dans une mutuelle estime, collaborent à illustrer