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à admirer et à plaindre son galant ami. Combien nous la sentons frémissante de reconnaissance et de tendre bonheur au souvenir de momens comme celui-ci : « En me quittant, aujourd’hui, il m’a pris la main, et m’a instamment recommandé de garder bon courage. »

Hélas ! les « espérances » trop réelles de Violetta allaient être soudain tristement déçues. Le 18 novembre 1789, elle écrit de Windsor à l’une de ses sœurs :


Pendant que je déjeunais à la hâte, ce matin, avant de partir pour Londres, miss Planta est accourue dans ma chambre en s’écriant : « Avez-vous entendu la nouvelle ? » J’ai compris tout de suite, à ses yeux et à son accent, de quoi elle voulait parler. — « Oui, lui ai-je dit, je le crois bien ! — La chose est absolument, sûre ! a-t-elle repris ; M. Fairly va se remarier ! Il vient d’écrire pour demander un congé. Mais, au nom du ciel, n’en parlez à personne ! » Je le lui ai promis, et d’autant plus facilement que, pour mon compte, je ne croyais pas un seul mot de la chose.


Le même soir, la pauvre fille écrit dans son journal : « Je sentais qu’il ne pouvait pas y avoir de moyen terme entre la fausseté absolue d’un tel bruit et le renversement complet de ces fondemens d’honneur et de bonté sur lesquels s’était élevée mon amitié. »

Cette seconde alternative était décidément la vraie. Deux jours après, la même miss Planta est venue confirmer à Fanny son assertion de l’avant-veille : « Oh ! à propos, la nouvelle est officielle ; et déjà les jeunes princesses ont complimenté miss Gunning, hier, après le dîner. La fiancée paraissait toute rayonnante : mais elle a dit que M. Fairly avait encore un peu de goutte et n’avait pas pu venir. » Du coup, aucun doute ne demeurait possible ; efforce était à Violetta de consentir à l’écroulement de ses belles espérances. L’aveu qu’elle en fait, dans un autre fragment inédit de son journal, nous montre assez quelle importance a eue pour elle ce petit roman.


Si grande avait été mon incrédulité, si indicible était ma surprise que certainement, si mon cœur s’était trouvé engagé dans cette affaire, l’effet d’une telle révélation aurait été pour moi la mort immédiate sous une congestion cérébrale ; et, en vérité, je ne puis assez remercier le ciel de m’avoir miraculeusement conservée en vie. Cet homme a compromis toute ma paix intérieure avec le plus extraordinaire dédain de toute loyauté ! Ce qui peut l’avoir excité à se jouer ainsi de moi, je n’arrive pas à m’en faire une idée. Sa conscience semblait si délicate, si désintéressée !… En tout cas, ce n’est pas lui que je dois remercier de ce que mon cœur n’ait pas été brisé ! De cela je ne dois remercier et louer que Dieu seul.


Ce que lisant, nous sommes naturellement tout prêts à plaindre la pauvre Fanny Burney, sans que personne s’avise même de vouloir