Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/885

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ma nomination, de Tissot, du chargé d’affaires à Rome et de l’ancien ministre à Hambourg. Mon travail est bien intéressant : mais, hélas ! cela servira-t-il ?


Tours, 3 novembre.

A sa mère.

Tu t’étonnes que je ne t’aie pas parlé de la capitulation de Metz. Il en est de cette nouvelle comme des autres. Je ne puis te les communiquer que quand elles sont devenues publiques et, en ce cas, le télégraphe vous les apporte avant mes lettres. Cette désastreuse chute de Metz était inévitable ; depuis près d’un mois nous l’attendions tous les jours ; les renseignemens que nous recevions ne laissaient aucun doute à ce sujet.

Je ne puis m’étendre au sujet de Bazaine, ni te donner d’autres détails que ceux que donnent les journaux. La correspondance Havas a publié un article très curieux du Daily News qui sera très vraisemblablement reproduit dans le Journal de Rouen. Je crains qu’il ne soit l’expression de la vérité. Nous avons passé à ce sujet par toute sorte de péripéties et je suis, quant à moi, loin d’être fixé. Enfin, si je résume toutes mes impressions jusqu’à aujourd’hui, j’en arrive à cette conclusion. Je sépare complètement Bazaine de l’armée. En ce qui concerne Bazaine, je réserve encore mon jugement : — il y a pourtant de bien gros soupçons contre lui, par exemple ce passage de sa proclamation où il recommande de ne pas détériorer les armes ; or aucun article de la capitulation ne porte que les armes seront rendues à la paix, encore moins est-il dans les usages de la guerre de les rendre ; rien n’est plus aisé que de les mettre hors de service. Mais quelles que soient les négociations tortueuses poursuivies par Bazaine en son nom personnel, l’armée n’a capitulé, comme on l’a dit, que devant la faim. En un mot, pour moi, il y a eu deux affaires parallèles : les machinations de Bazaine et la défense. Il ne faut pas oublier que, pour les affaires militaires, Bazaine était entouré d’hommes supérieurs et pleins d’honneur : il m’est impossible d’admettre que de tels hommes aient signé une capitulation qu’on aurait pu éviter. Je regrette profondément la proclamation de Gambetta. Préparé comme je l’étais à cette nouvelle de Metz, elle ne m’a causé ni