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CORRESPONDANCE
D’ALBERT SOREL
(1870-1871)

Albert Sorel a laissé une très volumineuse correspondance, datant de sa jeunesse, qu’il nous serait impossible de publier dans son ensemble : nous n’en donnons que quelques extraits. Il était alors aux Affaires étrangères, avait la tête toute pleine de romans et discutait avec passion les événemens qui se passaient sous ses yeux. L’année 1870 marque une date capitale dans sa vie, et les extraits que nous publions, tirés des lettres adressées à ses parens et à son ami Albert Eynaud[1], consul en Orient, montrent le développement intellectuel qui doit mener le jeune diplomate à son œuvre historique. Envoyé à la délégation de Tours, il collabora plus directement aux négociations diplomatiques, mais l’activité de son esprit continua de se porter sur les mêmes sujets, et il n’en rêvait pas moins d’être romancier. Comment l’attaché d’ambassade, qui juge sa carrière, souvent, avec une âpreté ironique, arrivera-t-il à la sérénité de ses opinions, et comment, dominant son imagination, sera-t-il amené à faire de l’histoire en toute impartialité ? Nous avons cru le dégager des documens dont nous commençons aujourd’hui la publication, en insistant moins sur les événemens, d’ailleurs connus, que l’auteur relate et sur lesquels sa pensée a pu se modifier dans la suite grâce à une étude plus approfondie et à une réflexion plus mûre, que sur les idées, les tendances, les sentimens qui achèveront son évolution morale et intellectuelle. Au lendemain de la guerre, Albert Sorel, qui venait de publier son premier roman, La Grande Falaise, était bien résolu à quitter le ministère des Affaires étrangères, mais il était fort embarrassé pour choisir une

  1. Voyez les Scènes de la vie turque en Anatolie, par Albert Eynaud, dans la Revue des 15 février. 15 avril et 15 mai 1873.