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on voyait où l’Allemagne demandait à la France des compensations et où se trouvait la Guinée espagnole.

Quoi qu’il en fût, la signature du traité franco-allemand du 4 novembre 1911 laissait la France et l’Espagne dans une situation délicate. Sans parler des sentimens, que les événemens des mois précédens avaient fait naître des deux parts, les intérêts, considérés en soi, étaient difficiles à concilier. A n’en point douter, la dernière hypothèse prévue par le traité de 1904 était cette fois réalisée. La France, en prenant le contrôle des affaires marocaines, conviait l’Espagne à faire de même. La question des zones était posée. Le problème toutefois ne se présentait point dans les conditions que les accords franco-espagnols avaient envisagées. Des faits nouveaux s’étaient produits et le gouvernement français en tirait argument. Pour devenir libre d’établir son protectorat, la France avait dû payer l’Allemagne. Celle-ci ne l’avait dégagée des liens d’Algésiras qu’au prix de cessions congolaises dont le sentiment public avait vivement souffert. Or, par cette levée d’hypothèque, l’Espagne, en même temps que la France, conquérait sa liberté d’action. En d’autres termes, la France, en travaillant pour elle-même, avait aussi travaillé pour l’Espagne, et l’obstacle, qui aurait, s’il n’eût été écarté, arrêté l’Espagne comme la France, disparaissait, grâce aux seuls sacrifices de la France, sans qu’il en coûtât rien à l’Espagne. D’où l’opinion très répandue en France que l’Espagne devait nous dédommager, pour sa quote-part, des sacrifices que nous avions consentis.

Est-il besoin d’ajouter que cette manière de voir n’était celle ni du Cabinet de Madrid, ni surtout de la presse espagnole ? A Madrid, on ne pensait point que l’Espagne dût subir le contrecoup d’un accord franco-allemand à l’écart duquel, comme en 1909, elle avait été tenue. On disait : « L’Espagne n’a rien demandé. C’est la France qui, par la marche sur Fez, a modifié la situation du Maroc dans le sens prévu par l’article 3 du traité de 1904. C’est cette modification qui ipso facto a donné à l’Espagne le droit d’agir dans sa zone comme la France dans la sienne. Si l’action de la France, à l’inverse de celle de l’Espagne, a rencontré des difficultés extérieures qui n’ont été résolues que par des sacrifices territoriaux, ce n’est point l’affaire de l’Espagne. L’Espagne ne connaît que le traité de 1904. Ce traité, par lequel elle renonce au profit de la France à une partie de