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commencées deux mois plus tôt sur la question des chemins de fer.

De façon décisive, l’Espagne entrait ainsi dans la voie que les erreurs françaises lui avaient malheureusement ouverte. En vain, le 24 juin, M. Canalejas s’efforçait aux Cortès d’atténuer la portée de ses décisions. Il déclarait qu’il entendait uniquement respecter l’acte d’Algésiras et qu’il n’avait pas « la moindre intention de faire un seul pas en avant au Maroc. » Mais les faits ne confirmaient pas ces assertions rassurantes. L’Espagne, convaincue que la France, entrée à Fez, n’en sortirait plus, entendait prendre aussi sa part du Maroc et procédait à cette mainmise. Ses agens allaient plus loin encore. Chaque jour, de regrettables incidens témoignaient de leur hostilité à notre égard. Tantôt des désertions étaient provoquées parmi les troupes de police que commandaient nos instructeurs, et les déserteurs étaient aussitôt accueillis dans les rangs espagnols. Tantôt notre agent consulaire à El-Kçar était illégalement arrêté et malmené. Tantôt un de nos officiers, le lieutenant Thiriel, était frappé par les soldats espagnols et indûment retenu pendant plusieurs heures.

Tout cela se passait au début de juillet. Or, depuis le 1er juillet, la France se trouvait dans une situation qui, au regard de notre opinion, accentuait dans le sens le plus fâcheux l’attitude de l’Espagne. Ce jour-là en effet l’apparition du Panther devant Agadir nous avait notifié, comme six ans auparavant le voyage impérial à Tanger, la sommation allemande d’avoir à « causer Maroc. » Dans ces circonstances, les procédés des autorités espagnoles devaient apparaître et apparurent au public français comme doublement inamicaux. L’Espagne, pensait-on, profitait de nos embarras pour nous prendre à revers. Certains ne doutaient point qu’il n’existât entre elle et l’Allemagne un concert positif dont, à dire vrai, la preuve n’a jamais été fournie et auquel nous n’avons nullement lieu de croire. Mais si la politique de Madrid n’était pas conjuguée avec celle de Berlin, elle lui était parallèle.

Obligée de faire front de tous les côtés à la fois, la France courut au plus pressé et s’efforça d’abord de conjurer le péril allemand. La communication faite le 9 juin par M. Cruppi n’avait pas eu de suite pratique. Pouvait-elle d’ailleurs en avoir ? Le 20 juin, M. Garcia Prieto avait promis au chargé