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Le 5 février 1909, M. Pichon informait l’ambassadeur d’Espagne que la France allait incessamment conclure avec l’Allemagne un accord relatif au Maroc. Le 9, cet accord, daté du 8, était publié. Il avait pour objet d’assurer à la France dans l’Empire chérifien de plus larges facilités politiques, à l’Allemagne de plus larges avantages économiques. Ce contrat passé avec un seul des treize signataires de l’acte d’Algésiras semblait un abandon de la politique de 1906, dont le caractère essentiel avait été de ne pas reconnaître à l’Allemagne au Maroc une situation supérieure à celle des autres puissances, Belgique, Suède ou Portugal. En fait, il s’expliquait par l’obstruction constamment opposée à Berlin, et rien qu’à Berlin, à la politique marocaine de la France. Toutefois il posait, en ce qui concerne l’Espagne, une question juridique et pratique à la fois. Depuis 1904, chaque phase de notre action marocaine avait été concertée entre Paris et Madrid. Il suffit de rappeler l’accord de mars 1906 sur la répartition des ports, la démonstration navale de Mazagan et de Tanger en 1906, l’affaire de Casablanca, la reconnaissance de Moulaï Hafid.

A consulter les précédens, il eût donc été logique que l’Espagne participât à la négociation franco-allemande. Elle le désirait et ne s’en cachait pas. Elle s’offensait d’être tenue à l’écart. « Le mandat que nous avons au Maroc, disait le 9 février son ambassadeur, nous conduira certainement à participer, sous une forme à préciser, à la conversation franco-allemande, dont M. Pichon m’a communiqué le résultat. » Les jours suivans, les représentans de l’Espagne à Paris et à Berlin multiplièrent les démarches en ce sens, et ce n’est pas trahir un secret que de rappeler ici la vive irritation que M. de Léon y Castillo manifesta publiquement de leur échec. Le 11 février, aux Cortès, le ministre des Affaires étrangères essaya d’apaiser l’inquiétude de ses compatriotes en disant : « Les intérêts espagnols n’ont pas besoin de nouvelles garanties pour être complètement définis et absolument sauvegardés. » Il ajouta : « En tout cas, si le gouvernement croyait opportun de traiter avec l’Allemagne sur cette matière, la porte est toujours ouverte pour négocier avec un gouvernement ami. » Mais la porte se trouva fermée.

Elle le fut, pourquoi ne point l’avouer ? beaucoup pour obéir au désir de l’opinion française qui commençait à répondre à la défiance espagnole par un sentiment analogue et redoutait