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du Sultan, il est notoire que c’est à la suite de démarches émanées des porteurs d’obligations et soutenues par leurs ambassadeurs, que fut rendu le décret de Mouharrem, qui constitue le Code de la Dette turque. Loin de s’affaiblir à l’usage, le rouage créé en 1881 n’a cessé de se fortifier, de s’étendre à de nouveaux objets. En Serbie, la situation n’est pas sans analogie. La création de la Caisse des Monopoles en 1895 fut l’œuvre d’un acte unilatéral du gouvernement, qui se borna à faire une place dans le conseil d’administration à deux représentans étrangers ; mais ici également l’institution a grandi, et, en affirmant sa vitalité, elle a rendu plus difficile toute atteinte que l’Etat pourrait être tenté de porter à ses droits. En Grèce, la position des créanciers est encore bien plus forte : l’organisation financière qui assure le service de la Dette résulte d’une convention passée entre le royaume hellénique et les puissances médiatrices qui, ayant obtenu pour lui des conditions de paix favorables, avaient en même temps stipulé les bases du règlement de ses dettes. La Grèce ne pourrait y contrevenir qu’en déchirant un pacte international. Un délégué français veille aux intérêts des porteurs de certains emprunts bulgares.

En l’état actuel des choses, il ne semble pas que les porteurs de fonds bulgares, serbes, grecs, monténégrins, aient de graves inquiétudes à concevoir. Certes, la rude campagne que les armées alliées viennent de mener contre l’ennemi commun a dû leur coûter cher ; non seulement des vies précieuses ont été sacrifiées par milliers, mais des munitions, des chevaux, des approvisionnemens de toute sorte sont à remplacer, et bien d’autres dépenses sont à envisager par la suite. Grandis par leurs victoires, ces peuples pleins d’énergie porteront sans doute maintenant leur activité vers les œuvres de paix et dresseront un programme de travaux publics de tout genre, qui exigera des centaines de millions. Ils emprunteront donc ; ils emprunteront au dehors ; ils s’adresseront de nouveau à leurs banquiers ordinaires, et ce n’est pas à la veille des opérations de crédit considérables qui sont imminentes, qu’aucun des hommes d’Etat avisés qui viennent de faire leurs preuves songera à porter atteinte aux droits des créanciers.

Le pays qui pourrait donner quelque appréhension sous ce rapport est la Turquie. Bien que la loyauté traditionnelle des Ottomans doive nous rassurer à cet égard, nous concevons que