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Sublime-Porte depuis que les habits rouges y tiennent garnison, et que les proconsuls britanniques sont installés au Caire. En 1897, la guerre éclate entre la Turquie et la Grèce ; après une-courte campagne, celle-ci est battue, mais elle n’en obtient pas moins une partie de la Thessalie que le vainqueur, sous la pression de l’Europe, lui cède. La Crète reçoit une autonomie presque complète et sera annexée à la Grèce à la suite de la guerre actuelle.

Le traité de Berlin reconnaissait à l’Autriche-Hongrie le droit d’occuper les provinces de Bosnie et d’Herzégovine et de tenir garnison dans le sandjak de Novi-Bazar. En 1908, l’Empire des Habsbourg s’est annexé les deux provinces, mais a retiré ses troupes du sandjak. En 1911, l’Italie déclare la guerre à la Porte et, après un an de lutte, le traité de Lausanne lui reconnaît la possession de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque. Le souverain qui règne à Constantinople n’exerce donc plus son autorité temporelle que sur une bande de territoire de plus en plus resserrée en Europe. Assisterons-nous, au XXe siècle, à l’expulsion complète des sultans, qui repasseraient le Bosphore et ne conserveraient plus que l’Asie Mineure et l’Arabie ? Un avenir prochain nous l’apprendra. En attendant, nous examinerons les conditions économiques et financières de cet Empire, dont les destinées ont depuis si longtemps occupé les nations européennes et qui, bien malgré lui, a allumé, depuis un demi-siècle, des guerres sanglantes, dans lesquelles il n’a jamais été l’agresseur, et dont l’issue, alors même qu’il était Vainqueur, a toujours été une diminution de son territoire.

Nous avons ici même[1] écrit l’histoire des finances turques. Nous nous permettons de renvoyer nos lecteurs à cet article, et nous bornerons à parler de la situation actuelle, dans la mesure où les documens publiés permettent de l’établir. Cette étude a une importance double : d’une part, elle nous renseigne sur les ressources propres de l’Empire et sur les moyens dont il dispose pour faire face aux dépenses de guerre. En second lieu, elle nous éclaire sur ce qu’on appelle le crédit de la Turquie, c’est-à-dire la possibilité pour elle de s’adresser avec succès au public, de placer des emprunts. Une campagne qui mobilise des centaines de milliers de combattans implique des dépenses

  1. Les Finances ottomanes, par Raphaël-Georges Lévy, dans la livraison du 12 février 1910.)