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Orient nous a obligé et nous oblige encore à négliger provisoirement ceux qui se produisent en Amérique : nous nous contenterons d’indiquer le résultat des élections du 5 novembre pour la présidence de la République des États-Unis. Il s’agit, on le sait, de l’élection des électeurs, mais, comme ils reçoivent un mandat impératif et qu’ils le remplissent toujours exactement, cette élection met fin à la campagne électorale et au conflit des candidats. L’opinion générale était que le candidat du parti démocrate, M. Woodrow Wilson, l’emporterait, et il l’a emporté en effet à une forte majorité. M. Roosevelt vient à une assez longue distance derrière lui, et M. Taft ne compte plus. Ce dernier n’en emporte pas moins dans sa retraite l’estime de tous. Il s’était médiocrement entouré et il n’a pas toujours été au niveau de sa tâche, mais ses intentions étaient droites, et il faut convenir que l’attitude de son ancien ami, devenu son pire ennemi, lui a créé des difficultés qu’il était en droit de ne pas prévoir. L’instinct de bataille et l’ambition impatiente de M. Roosevelt ont été fatales à lui et aux siens. Il a coupé le parti républicain en deux, assuré par là sa défaite, et lui-même, du même coup, s’est suicidé. Le prodigieux exemple d’énergie qu’il a donné n’a pas pu le sauver de la chute. L’espoir qu’il avait formé de couper en deux le parti démocrate comme le parti républicain et d’en former un troisième avec les fractions détachées de l’un et de l’autre, ne s’est pas réalisé. Le parti démocrate est resté uni et devait dès lors l’emporter sur les républicains divisés. Les conditions de la lutte en ont d’ailleurs fait un spectacle d’anarchie morale. Tous les candidats ont fait assaut de radicalisme, et l’ont poussé parfois jusqu’à la démagogie. Au milieu de la confusion des programmes, on n’apercevait plus que les intérêts des personnes. Quand la fumée du combat sera tombée, quand la fureur des combattans sera apaisée, on y verra plus clair et les figures reprendront leur sérénité. Heureusement le passé de M. Woodrow Wilson plaide pour lui : il mérite d’être accueilli avec confiance dans l’œuvre qu’il aborde avec une valeur intellectuelle éprouvée et avec un courage qui est grand, puisqu’il a vaincu celui de M. Roosevelt.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.