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Baltique que par la Mer-Noire, et sans dépendre de la complaisance ou du caprice de personne. Pour arriver à cette émancipation, le concours d’une puissance occidentale lui est nécessaire. En contractant alliance avec nous, elle avait donc un objectif maritime. La France avait un objectif militaire. A cet égard, la situation n’a pas changé. L’acte de 1895 est avant tout un acte politique. Les facilités que la Russie a trouvées sur le marché français pour ses emprunts d’Etat en ont été la conséquence et non la cause.

L’existence d’une flotte française est également une condition et un gage de l’entente avec l’Angleterre, parce que cette flotte est un appoint de la sécurité de l’Empire britannique menacée par les armemens navals de l’Allemagne. Nos amis d’outre-Manche n’attendent pas le secours d’un corps d’armée français pour les aider à repousser une invasion. Ils savent que nous espérons d’eux, au contraire, une assistance sur le continent. La contrepartie de cette assistance, qu’il s’agisse de garder les routes de la Méditerranée ou celles de l’Océan, est la coopération de notre flotte.

Le maintien par la France d’un état naval respectable est donc un élément essentiel de l’équilibre créé par nos ententes et nos alliances pour écarter le danger d’agressions éventuelles ou nous permettre de résister à d’excessives prétentions. Supprimer, ou seulement négliger, cet état naval, pour mieux doter l’armée de terre (à laquelle, d’ailleurs, le pays ne veut rien refuser), ne nous donnerait pas la supériorité numérique, et affaiblirait, ruinerait peut-être, ces garanties protectrices de la paix.


Maintenant, puisque le veulent ainsi les partisans de la marine minimum, ne considérons que la menace d’une guerre où, toutes les forces du pays devant entrer en action, le péril, avec ou sans alliés, serait imminent et certain. C’est le point de vue stratégique.

L’issue d’une telle guerre dépendrait-elle uniquement des premières rencontres sur les frontières de l’Est ? L’action ou l’inaction de la marine aurait-elle une influence sur la marche des événemens ? Il ne faut pas rappeler l’impuissance de la flotte française en 1870, puisque les conditions de la lutte ne seraient les mêmes ni sur terre, ni sur mer. Ne nous occupant ici que des responsabilités de la marine, constatons qu’un fait capital s’est produit : la création d’une flotte allemande, aussi