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suite de laquelle le ministre fut sur le point « de faire ses malles et de plier bagages. »

Pour amener un raccommodement, la comtesse de Maurepas dut intercéder derechef. A force de pleurs et de cris, elle fléchit son époux ; il s’opéra un « replâtrage. » Et déjà, grâce aux assurances de sa vieille protectrice, sur sa promesse formelle que ni elle, ni M au repas n’abandonneraient jamais sa cause, Montbarey reprenait confiance, quand survenait une nouvelle aventure, provoquant un nouveau tapage : un pot-de-vin de 50 000 livres versé à Mlle Renard par un officier général qui voulait être « cordon rouge. » L’affaire ayant échoué, le dupé exigeait qu’on lui rendit l’argent. Refus, menaces, scènes violentes, et, pour la seconde fois, accès de révolte du Roi, résolu, semblait-il, à sévir pour de bon. Il avertit Maurepas qu’il voulait « chasser le ministre, mettre la fille à l’hôpital, casser l’officier général. » Il ne fallut pas moins que la crainte du scandale pour l’y faire renoncer. Il se contenta d’ordonner que Montbarey rompit avec une personne si dangereuse et que l’on expédiât Mlle Renard à Bruxelles, avec interdiction de passer la frontière, ce qui fut fait effectivement[1].


VI

L’orage, pour le moment, semblait donc conjuré. Mais Maurepas comprenait qu’il faudrait bientôt sacrifier un parent trop compromettant, et se mettait dès lors en quête d’un successeur.

Il jeta tout d’abord les yeux sur le duc d’Aiguillon, grand favori de Mme de Maurepas ; cette circonstance aurait facilité les choses et désarmé les résistances prévues. Mais, dès les premières ouvert lires, la Reine se récria : jamais elle n’admettrait un homme qui l’avait jadis offensée ! Un nom s’offrit alors à l’esprit du Mentor, le nom d’un lieutenant général, militaire estimé, qu’il connaissait depuis de longues années et sur le dévouement duquel il se croyait des droits certains : c’était le comte de Puységur. En y réfléchissant, il jugea l’idée bonne, mais il la garda pour lui-même et se borna à faire devant le Roi l’éloge de son candidat éventuel, se réservant, à l’heure voulue, de pousser plus avant sa pointe.

  1. Correspondance publiée par Lescure. — Mémoires du baron de Besenval.