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une surveillance collective et qui, le jour venu, favoriseront, je l’espère, une médiation : peut-être même ce jour est-il proche. » Est-il aussi proche que le laisse entendre M. Poincaré, nous n’en savons rien ; il est quelquefois aussi dangereux de brusquer les dénouemens qu’il est inutile de vouloir arrêter à leur origine des événemens inévitables ; mais on ne saurait trop approuver et encourager entre les chancelleries cet échange de vues, cet entretien ininterrompu dont M. Poincaré a parlé à Nantes comme d’un fait existant. C’est le meilleur moyen d’échapper aux surprises déconcertantes qui imposent des résolutions immédiates, ou plutôt c’est le seul. Le moment est d’ailleurs favorable : il commence aujourd’hui à être plus facile d’établir quelques prévisions sur la suite des événemens et de s’entendre sur les solutions à faire prévaloir. On ne saurait trop souhaiter que l’accord, sur tous les points, se fasse entre toutes les Puissances en vue de localiser la guerre et de l’empêcher de se généraliser. Mais comme il faut tout prévoir puisque tout est possible, c’est avant tout avec nos amis et alliés que nous devons préparer cet accord, et, si par malheur il ne peut pas s’étendre plus loin, c’est avec eux que nous devons le maintenir. On le fait certainement du côté de la Triple-Alliance. Le comte Berchtold vient d’aller en Italie ; il y a vu le Roi et le marquis di San Giuliano. Ce dernier, après avoir reçu cette visite, s’est empressé de la rendre à son collègue autrichien. Ces déplacemens ont une signification sur laquelle on ne saurait se tromper : non pas qu’on sache sur quelles bases se fait l’entente des membres de la Triple-Alliance, mais il est clair qu’elle se fait, ou du moins qu’on cherche à la faire, car elle n’est pas très facile entre l’Autriche et l’Italie, et l’influence de l’Allemagne ne sera peut-être pas inutile pour l’établir ou la maintenir.

Qu’on ne s’y trompe pas en effet, — et c’est sur quoi nous insistons, — la crise actuelle n’est pas seulement celle des Balkans, elle est encore la crise de l’Europe, nous voulons dire des alliances qui sont soumises à une épreuve dont nous voudrions être sûr qu’elles ne sortiront pas ébranlées. Là est le danger auquel il faut obvier avant tout. Un journal allemand, en vue de produire sur l’opinion russe une impression qui nous serait défavorable, a dit que l’alliance franco-russe ne s’appliquait pas aux affaires d’Orient. L’allégation n’est pas exacte sous cette forme ; l’alliance est faite en termes généraux et ne comporte pas d’exceptions ; mais il est infiniment probable que ses auteurs ne pensaient pas aux Balkans au moment de conclure ; ils ne les avaient pas en vue. Les intérêts qu’ils s’appliquaient à garantir,