Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/161

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lettré, d’historien et de penseur, portés en quelque sorte à leur suprême puissance par la flamme delà sympathie, se donnaient si librement carrière, et qui, si elles avaient été rédigées, auraient formé un si beau livre : on en jugera par les suggestifs sommaires que, dans un précieux Appendice, a recueillis M. Alphonse Dieuzeide. Un peu plus tard, en 1894, — on se rappelle encore avec quel éclat, — Brunetière reprenait le même sujet en Sorbonne : je ne sais si les leçons, d’ailleurs plus amples et plus détaillées de l’Ecole normale, n’auraient pas été préférées par les connaisseurs aux brillantes conférences de la Sorbonne. Ce qui est certain, c’est que les unes et les autres sortaient d’une nouvelle et toute fraîche lecture de tout Bossuet.

D’autres conférences, quelques articles sortaient encore, au hasard des circonstances, de ces travaux préparatoires. A Paris, à Dijon, à Besançon, à Montréal, à Rome, où Brunetière n’a-t-il pas parlé de Bossuet ? Il s’était fait le champion de cette gloire hautaine. A mesure qu’il évoluait lui-même, il semble bien que les objections ou les réserves qui perçaient quelquefois sous son admiration allaient en s’atténuant. Bossuet lui-même était-il pour quelque chose dans cette nouvelle manière de voir ? On peut le conjecturer avec quoique vraisemblance. Si je persiste à croire qu’aux momens de crise notamment, un Pascal a eu plus d’action que Bossuet sur le fond et sur l’orientation générale de la pensée de Brunetière, j’admets très volontiers que Bossuet a fini par agir aussi sur lui, a sa manière, moins heurtée et plus discrète. Bossuet a certainement contribué à entretenir l’auteur des Discours de combat dans la méditation continue des grands problèmes ; il a alimenté l’inquiétude morale et religieuse qui couvait en lui ; il l’a, si je puis ainsi dire, préparé à subir l’assaut de Pascal. En 1900, dans cette conférence de Besançon dont j’ai déjà parlé, et qui a été comme le prélude d’une déclaration décisive, Brunetière ramenait à trois principales les hautes leçons qu’on peut retirer, et qu’il avait personnellement retirées de l’étude de Bossuet : la rhétorique supérieure que l’on apprend à son école ; l’art d’aller au point vif des questions ; et la distinction des différens ordres de vérités et de certitudes. Et il ajoutait en terminant :


Quand je me suis mis à l’école de Bossuet, rempli que j’étais des idées de mon temps et des leçons de mes maîtres, j’ai résisté, et j’ai résisté