Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

transversales, à moins que le muletier, prenant son client à bras-le-corps, ne le déposât dedans comme un paquet.

La litière existait encore sous Louis XV, mais, dès le XVIIe siècle, bien qu’Anne d’Autriche en eût encore quelques-unes prisées à sa mort de 1 800 à 500 francs, c’était un équipage démodé dont usaient les dames de campagne, faute de chemins carrossables pour sortir de chez elles. Cent ans plus tôt, c’était encore une locomotion d’apparat : une litière offerte en 1532 par François Ier à Mme la Princesse de Boullène, » — Anne Boleyn, — qui allait monter sur le trône d’Angleterre, coûtait 46 000 francs.

Les « chars » ou chariots, moins considérés, aussi rudes, aussi lents, avaient l’avantage de transporter plus de monde ; la Reine part pour la Flandre en litière (1577), dix de ses filles d’honneur l’accompagnent à cheval avec leur gouvernante, le reste des dames s’entassent dans six chariots. Les chars du XIIIe siècle, dont une ordonnance somptuaire de Philippe le Bel défendait l’usage aux bourgeoises, avaient beau être peints et armoriés, couverts de drap d’or ou de toile d’argent, ils ne valaient pas nos camions ou nos tapissières. C’étaient, sous le rapport de la carrosserie, de simples tombereaux à 4 roues, mais richissimes d’accessoires. Si le char de Mme de Clermont, femme du connétable (1295), vaut près de 10 000 francs et celui de la duchesse d’Orléans 7 000 francs (1395), ce sont les garnitures, les « carreaux » d’écarlate, les tapis, les détails multiples du dedans et du dehors qui font les dix-neuf vingtièmes de la dépense. Dépouillé de ces ornemens, le char d’une princesse vaudrait un prix peu différent des 270 francs que paie l’Hôtel-Dieu pour son « chariot à porter les morts (1416). »

Le fer seul était onéreux, parce que le kilo, pour essieux et bandages, coûtait alors de 4 fr. 25 à 3 francs ; il fallait 200 francs pour la ferrure du train et des limons d’un char neuf. La couverture absorbait 6 peaux de vaches et 2 douzaines de peaux de moutons d’une valeur de 360 francs. Le cuir aussi jouait son rôle dans une machine nouvelle qui ravit le XIVe siècle : le « chariot branlant, » à caisse suspendue par des lanières, si haut qu’il fallait une échelle pour y monter.

Deux cents ans plus tard, avec l’apparition du coche, la scission s’opéra, définitive, entre la charrette antique et le type nouveau d’où sortiront les voitures modernes. Plus raffiné de