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L’importation d’Orient est-elle devenue impossible ? L’a-t-on jugée inutile ? Il est plus rarement question au XVe siècle de provenances arabes, mais les chevaux de parage, — de race, — montèrent alors à des prix qu’à aucune autre époque de l’histoire ils n’ont atteints. Quand Olivier de La Marche nous apprend qu’ « on ne parlait (1444) de vendre un cheval de nom que 500, 1 000 ou 1 200 réaux, » — c’est-à-dire 19 000, 38 000 et 45 600 francs de notre monnaie, — ces chiffres paraissent d’abord assez invraisemblables ; même avec l’explication donnée par lui que, comme « l’on parlait de répartir les gens d’armes de France sous chefs et par compagnies, il semblait à chaque gentilhomme que, s’il se montrait sur un bon cheval, il en serait mieux connu et recueilli. » Les capitaines de notre première armée permanente ont-ils effectivement dû leur grade et leur rang aux mérites respectifs de leur monture ?

Il est du moins certain que l’extrême cherté avait beaucoup devancé la création des compagnies d’ordonnance, puisqu’en 1422 un cheval d’Allemagne donné au physicien de « Mgr le Régent » — Charles VII — coûtait 23 000 francs ; ce prince lui-même, tout mal à l’aise qu’il fût, s’achetait un bai-brun de 43 600 francs. Ce haut prix, auquel sont vendus aussi plusieurs coursiers et roncins d’Espagne à longues queues, est encore dépassé par deux chevaux « morel » qui se payent chacun 58 000 francs. Fort modestes paraissent, à côté de ceux-ci, les coursiers d’un Beau manoir à 14 700 francs et d’un La Hire à 7300 francs (en 1428).

Mais que des archers de la garde écossaise, en 1451, aient payé de 6 600 à 7 500 francs des bêtes d’une certaine classe, cela prouve avec évidence la pénurie où le royaume était tombé à cet égard. Pour 2 300 francs, on ne trouvait qu’une petite haquenée ; ce qui laisse à penser qu’aux environs de 1000 francs, on n’avait que d’assez pauvres bêtes. Pour 470 francs, prix du cheval que montait Jeanne d’Arc à son départ de Vaucouleurs, on devait se contenter d’animaux de ferme, fort éloignés, par leurs formes et leurs moyens, de ceux qui eurent plus tard et qui ont aujourd’hui la même destination.

Les chiffres permettent de le supposer, puisque ces chevaux champêtres n’ont été ni peints ni décrits par personne et que l’histoire ne s’est jamais occupée d’eux. Mais nous remarquons que leur prix ne diminuera pas jusqu’à la fin de l’ancien