Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 12.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Plus tard, après la Fronde (1653), la grande Mademoiselle, qui depuis longtemps avait envie de chevaux anglais, en fit venir un lot à Fontainebleau. Mais la mode était ailleurs et les fantaisies individuelles n’y changeaient rien.

On ne sait du reste ce qu’était exactement l’espèce britannique du XVIIe siècle. Sans doute un métissage plus ou moins prononcé, nullement semblable à ce que nous voyons aujourd’hui. La taille moyenne de la bête de « pur sang » était encore en 1700 de 1m, 31 ; celle du célèbre Curwen Bay-Barb, dont l’empereur du Maroc fit présent à Louis XIV, était de 1m, 41 et en 1765 Marske, le père d’Eclipse, paraissait surtout remarquable par sa taille de 1m, 58. La moyenne est aujourd’hui de 1m, 61 ; augmentation de 30 centimètres en deux siècles, qui n’est pas, comme on le disait un jour à la Chambre des Communes, à la portée de tout le monde.

Avant de s’être déterminée pour la culture, sans aucun mélange de sang européen, de cette race précieuse que la légende arabe fait remonter aux coursiers de Salomon, de ces Kochlani agiles et sobres que l’Asie gardait dans ses plaines brûlantes, du Tigre à la Mer-Rouge et de la chaîne du Taurus au golfe d’Aden, et qui, mangeant à leur faim dans les gras pâturages d’Albion et sélectionnés par des épreuves périodiques, ont grandi et pris de la carrure, la Grande-Bretagne avait longtemps tâtonné. Elle n’était pas fixée sur les meilleurs moyens à employer pour infuser à ses chevaux le sang oriental, mais le but à atteindre ne varia pas et ne cessa d’intéresser l’opinion nationale pendant deux cents ans avant l’époque d’où l’on date officiellement l’institution des courses (1730).

A travers les révolutions la même tâche fut poursuivie de façon ininterrompue, d’Elisabeth aux premiers Georges, et Cromwell n’y était pas moins attaché que les Stuarts. Des dernières années de Louis XIV (1709), quand la France et l’Angleterre se battaient encore sur le continent, datent chez nous les premiers succès des chevaux anglais ; nos grands seigneurs vont en acheter à Londres ou s’en font expédier sous le couvert des passeports de guerre. Leur suprématie ne s’établit [tas sans conteste. On admirait qu’ils pussent faire à Newmarkett 6 400 mètres en 7 minutes et demie (1727), mais on trouvait leur galop bien terre à terre ; les officiers pestaient contre eux de ce qu’ils les faisaient enrager aux revues, mais ils s’en louaient