plus que d’affaires d’argent, — comme si l’incessante préocpation de découvrir des « placemens » avantageux pour sa « copie » eût dorénavant tari dans son cœur et dans son cerveau tout le torrent délicieux d’émotions, de pensées, et de rêves qui n’avait pas cessé d’en jaillir jusque-là ! C’est au point que, si précieuses qu’elles soient pour notre connaissance des dates et de toute l’histoire « documentaire » de la publication de son œuvre, la plupart des lettres de cette seconde période de la vie d’Hoffmann nous déconcertent par leur banalité, et dégagent un ennui à peine tolérable. Elles nous montrent, littéralement, un « fabricant de copie, « un écrivain qui, dès l’instant où il a trouvé des éditeurs disposés à lui payer ses produits, ne songe plus qu’à tirer parti de cette chance nouvelle, et ne daigne plus même, — ou bien n’ose plus, — se divertir de sa chasse aux thalers en causant familièrement avec ses vieux amis. Ah ! nous sommes loin de l’image « fantastique » amoureusement imaginée par les Balzac et les Théophile Gautier, ou plutôt créée à notre intention par les traducteurs eux-mêmes du conteur berlinois, depuis Loëve-Veimars jusqu’à Champfleury ! Quelquefois, en vérité, nous rencontrons bien encore notre Hoffmann dans une taverne, attablé devant une bouteille de vin en compagnie de l’acteur Devrient : mais combien la figure de l’homme de lettres laborieux et raisonnable qui nous apparaît là ressemble peu à celle du « visionnaire » et de l’ « illuminé » que nous nous étions accoutumés à concevoir, puisant au fond de son verre les sombres cauchemars qui, ensuite, s’exhalaient sur son papier en des lettres de sang !
Et ce vide et cette médiocrité prosaïque de la seconde série des lettres d’Hoffmann nous déroutent d’autant plus qu’avant d’y arriver, nous avons eu la joie de traverser la première, dont je ne saurais assez dire combien elle nous offre, tout ensemble, de variété vivante et de fraîche et charmante expansion poétique. A chaque page, ce sont des confidences d’une sincérité merveilleuse, de petites scènes évoquées avec un mélange piquant de naturel et de fantaisie, des portraits dont l’allure fait songer vraiment au crayon d’un Callot ou d’un Saint-Aubin. Durant les quatre années de son séjour à Bamberg surtout, de 1809 à 1813, nous sentons que toute l’âme du jeune Hoffmann se livre à nous dans ses lettres : l’âme d’un neveu de Rameau qui serait en même temps un poète de génie. Et lorsque plus tard, en 1813, à Leipzig et à Dresde, l’ex-maître de chapelle de Bamberg assiste de tout près à des événemens historiques d’une portée exceptionnelle, c’est comme si leur