Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mière n’est pas de l’entêtement. L’un d’eux, ces jours derniers, m’a dit : « Toute machine nouvelle, qui fait du travail rapide, et qui n’a pas cassé aux mains des premiers acheteurs, je l’achète. » Aujourd’hui, je visite les étables de M. Nicole, avec le fils ainé, qui vient d’acquérir le domaine voisin. Le plafond est bas, sans doute pour que les bêtes aient plus chaud pendant le long hiver. J’en fais la remarque.

— Les nouvelles étables, chez moi, dit l’ainé, seront bâties un brin plus haut, mais les sociétés d’agriculture ne conseillent pas d’élever beaucoup plus la charpente.

Il s’est informé ; il connaît les méthodes et les plans recommandés. Les vaches mâchonnent un reste de foin dans le râtelier, et, juste au-dessus de leurs cornes, il y a, pendues au mur, des boites à trois compartimens, et, dans les boites, une ou deux poules qui pondent.

— Bah ! dit encore l’ainé, qui me voit sourire et qui retrouve un mot de la marine, bah ! c’est le poulailler des anciens : à présent, ça se grée autrement.


Et je ne dirai plus qu’une des visites que j’ai faites à mes amis de la campagne : ma visite à Fortunat Bélanger.

Il habile le troisième rang, par conséquent à trois kilomètres du fleuve, et tout au bord de la rivière du Sud. Pas plus que Nicole il n’a été prévenu. Nous le voyons au dépit qu’il ne dissimule pas, lorsque les premières politesses ont été échangées. Il dit au sénateur, il dit au médecin :

— Ce que ça me fâche ! Si seulement vous m’aviez écrit !

La maison a six pièces au rez-de-chaussée et autant au premier étage. Un calorifère la chauffe entièrement. Malgré les protestations de la ménagère, une maman de onze enfans, — mince et de visage délicat, — qui assure que tout n’est pas en ordre, on nous ouvre les portes des chambres et des dortoirs de là-haut. Les lits sont faits, les courtes-pointes tirées, et le plancher est net. Je remarque deux penderies, fort bien garnies ; des armoires où sont entassés des cartons à chapeaux aussi larges que ceux de Paris ; des tuyaux qui amènent l’eau de la rivière à l’étage. En bas, le mari me montre les deux pièces de réception, tout à fait élégantes, et la « chambre nuptiale, » devenue chambre d’apparat. Les oreillers et les draps du lit sont brodés ; une belle commode, des chaises légères, un miroir,