à leurs opérations ? Momentanément, nous en sommes persuadés, mais enfin actuellement, le travail industriel ou commercial assure des profits assez larges pour attirer l’ouvrier par l’appât de salaires élevés, réguliers, que l’agriculture ne donne pas toujours ou ne donne pas encore. L’équilibre en quelque sorte est rompu pour un temps, mais pour un temps seulement. Si la ruine de l’agriculture devait être la conséquence de l’exode rural, la production des campagnes déclinerait aussitôt ; le débouché ouvert à l’industrie et au commerce serait en partie fermé et la baisse des salaires dans les ateliers ferait disparaître la concurrence souvent victorieuse de la manufacture à l’égard de la ferme.
En est-il ainsi, et la réduction de la main-d’œuvre disponible dans les campagnes peut-elle ou doit-elle entraîner les désastres que tant d’esprits sincères prévoient, signalent chaque jour et voudraient conjurer ? Au risque de paraître soutenir un paradoxe et de défendre une erreur, nous ne saurions admettre cette hypothèse. On vient de voir que le développement de la production agricole ouvrait aux produits de l’industrie un débouché d’une extraordinaire puissance, puisqu’il est représenté par les consommations sans cesse accrues d’une population de dix-sept à dix-huit millions de personnes. D’un autre côté, est-il indifférent pour les producteurs agricoles que le nombre et la richesse de leurs cliens augmente. » Or, la population commerciale et industrielle se développe. Il ne s’agit pas ici d’un groupe social qui consomme sans produire. Les services industriels et commerciaux sont des services productifs, dont les produits s’échangent à leur tour contre des produits agricoles et leur offrent un débouché. Or le débouché est pour l’agriculture, comme pour l’industrie et le commerce, une cause permanente d’activité et de progrès. Selon le mot heureux et juste de Quesnay : « Tant vaut le débit, tant vaut la reproduction. »
Pendant longtemps notre industrie rurale a été privée de ce stimulant si actif. L’agriculture travaillait pour assurer sa propre subsistance et celle d’une population médiocre qui vivait dans les villes ou les bourgs. On ne s’inquiétait guère à cette époque de l’exode rural et de ses dangers. Mais, en revanche, faute de débouchés, la culture restait misérable et l’industrie à son tour était paralysée par la médiocrité des échanges possibles avec des consommateurs ruraux incapables d’acheter ses