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Les foules déracinées cherchent un abri contre la tempête : quoi d’étonnant à ce qu’elles se pressent dans le sanctuaire qui a bravé les siècles ?

L’Amérique moderne est née dans le catholicisme : il y a mis le pied avec Christophe Colomb (porteur du Christ) le jour de la découverte[1] : cent cinquante millions de catholiques lui sont fidèles, depuis la baie d’Hudson jusqu’au détroit de Magellan. Il est impossible, maintenant, qu’il ne s’y développe pas.

A n’envisager que le point de vue humain, l’Église de Rome réussit parce qu’elle est une organisation puissante au service de la plus grande tradition civilisatrice qu’il y ait au monde. Fille des deux grandes familles sémitique et aryenne, héritière de l’Empire romain, mère des nations occidentales, elle touche au degré d’universalité le plus haut qu’il soit donné à l’humanité d’atteindre. Dans l’ordre actuel de la civilisation et en vertu d’impondérables plus faciles à sentir qu’à saisir, universaliser, c’est latiniser.

Or, le nom de la France se trouve associé, inséparablement, à celui de l’expansion catholique dans le monde, et, spécialement, en Amérique. Si le catholicisme se développe là-bas, étant nécessairement romain et latin, il se trouvera, dans une certaine mesure, français.


Cette suite logique des choses se confirme encore par les contacts immédiats et constans de l’Eglise des Etats-Unis avec l’Eglise canadienne-française.

Le catholicisme des Etats-Unis, le catholicisme du Canada sont deux frères, vivant côte à côte et d’une même vie. Ils ont grandi ensemble et vont se développer simultanément dans cet Ouest immense dont la colonisation sera la grande œuvre du XXe siècle.

Je ne puis aborder, ici, la question de l’avenir réservé au Canada : de l’avis unanime, il réalisera la parole de l’Intendant de Louis XIV : « Cette terre, Sire, verra quelque chose de grand. » Avant un demi-siècle, le Canada sera un des pays les plus puissans et les plus riches du monde. Or, sur ce domaine, une place très large est réservée, quoi qu’il arrive, à la race française, à la

  1. Peut-être même, avant Christophe Colomb, le catholicisme avait-il été porté par les Normands dans le Vinland (Acadie). Voyez Gaffarel, Etudes sur les rapports de l’Amérique et de l’Ancien continent avant Christophe Colomb.