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LES SABLES MOUVANS [1]



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PREMIÈRE PARTIE


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À la mémoire d’Auguste Huzard.

I


— Je viens vous souhaiter la bonne année en passant, mes amis, dit Addeghem, l’omnipotent critique d’art, en pénétrant dans l’atelier du ménage Fontœuvre.

Et aussitôt, comme il s’avançait, essoufflé des cinq étages et majestueux de sa redoutable autorité, la charmante Fontœuvre quitta son chevalet, courut à lui, devançant à peine son mari qui, précipitamment, posait sa pipe et son journal pour s’empresser près du vieil homme.

— Oh ! cher maître, comme c’est gentil, comme c’est gentil !

Jenny Fontœuvre, menue, brune et jolie, avec sa vivacité d’oiseau, son gracieux talent, son courage, faisait l’admiration du critique. Serrée dans sa blouse blanche d’artiste, elle lui venait au coude ; il la regardait bénévolement, en lui tenant les deux mains ; puis il dit, de sa grosse voix de Flamand, enrouée par quarante ans de brasseries et de criailleries artistiques :

— Hein ! Fontœuvre, vous permettez que je l’embrasse, votre femme, pour le 1er janvier ?

  1. Copyright by Colette Yver, 1912.