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Oyama ne jouèrent dans la politique qu’un rôle effacé, mais ce furent de bons organisateurs. L’influence de Choshu fut tout autrement considérable et, comme Inoue se contenta de suivre Ito, l’histoire intérieure entre 1888 et 1901 se résume dans la rivalité d’Ito et de Yamagata. Ito (1841-1910), le chef du premier cabinet (1885-1888), était, dans toute la force du terme, ce que nous voulons appeler un Oriental : jamais homme ne fut plus insinuant, plus subtil, plus amoureux de l’intrigue, plus fertile en combinaisons comme aussi plus apte à comprendre les idées des autres, à s’assimiler les connaissances de tous les peuples. Sa souplesse lui permit de réduire à de simples luttes parlementaires les rivalités nées de la Révolution, qui jusqu’alors avaient provoqué des guerres civiles, de trouver une constitution qui conciliât les idées de l’empereur et des réactionnaires avec les revendications des démocrates. Son admirable faculté d’assimilation fit de lui le véritable initiateur de son pays à la vie occidentale, le négociateur né des traités entre le Japon et les puissances. Malgré ces qualités ou plutôt à cause d’elles, Ito n’avait ni conviction profonde, ni décision de caractère : dans toutes les crises difficiles de la politique intérieure et de la politique extérieure, on le vit se dérober et lui, si jaloux du pouvoir, l’abandonner à d’autres parce qu’il lui manquait ou la netteté de vision nécessaire pour trouver la solution juste, ou le courage d’appliquer cette solution quand il la découvrait. Le maréchal Yamagata (1838), aussi intrigant que son rival, avait des manières plus rudes, un caractère plus cassant. On trouvait en lui un curieux mélange du vrai soldat intransigeant dans l’accomplissement de ses devoirs et de l’officier de fortune trop longtemps mêlé aux conspirations. Sa conception autocratique du gouvernement plaisait à Mutsuhito, il lui avait d’ailleurs rendu de grands services comme ministre de la guerre (1873- 1881) en soustrayant la jeune armée à l’influence de Saigo. Yamagata témoigna, soit comme général, soit comme administrateur civil, des plus remarquables talens d’organisateur ; comme homme d’État, il s’est imposé par la faculté même qui manquait à Ito, la décision.

L’œuvre de reconstruction accomplie par l’empereur et les genro comprend les grandes lois organiques promulguées de 1881 à 1890, la Constitution de 1889 et les lois qui en assurent le fonctionnement, enfin les Codes, dont le texte définitif fut