applique la marque sur le décret, il ne reste plus d’autre légalité que la Révolution.
Et pourtant, à quelques centaines de mètres, se dresse le château que les shogun ont bâti pour surveiller la Cour impériale, sombre forteresse à l’extérieur avec ses larges fossés, ses épaisses murailles, ses tours et son donjon carré, admirable palais à l’intérieur, que la magnificence de ses décorations a fait appeler un rêve d’or. Là, dans une salle où les artistes du xviie siècle ont réalisé le chef-d’œuvre de l’art décoratif japonais : d’immenses pins maritimes de grandeur naturelle, au-dessus desquels planent des aigles guettant leur proie, siègent, autour de l’ex-shogun, dans leurs admirables costumes de couleur pâle, la tête coiffée du cornet noir, tous impassibles, tous polis jusqu’à la préciosité, les princes fidèles, les représentans du régime qui va finir. Leur cause est perdue, ils le sentent. Aussi quelques-uns seulement parlent-ils de marcher sur le palais ; le shogun, qui a jadis défendu ce palais contre Choshu, refuse de l’attaquer aujourd’hui, il se replie sur Osaka. Sa faiblesse augmente l’audace de ses ennemis, un décret impérial lui enlève ses titres et ses fiefs ; il se repent alors, veut reprendre Kioto ; c’est en vain : ses troupes sont battues ; il s’enfuit par mer, tandis que le ciel se rougit des flammes d’Osaka incendié (31 janvier 1868). Keiki est mis par décret impérial hors la loi humaine, hors la loi divine, les troupes des clans et les bandes révolutionnaires fondues ensemble deviennent l’armée du châtiment : en février, cette armée, traversant toute la grande ile, envahit les états shogunaux, Keiki se résigne, il s’abandonne, lui et les siens, à la clémence de l’Empereur, le Japon central est pacifié (mai 1868), mais plus d’un an la lutte se poursuivra contre les clans du Nord, puis contre les samurai qui proclament la république dans l’ile de Yezo (juin 1869).
Devenus tout puissans, les révolutionnaires convoquent dans la forteresse de Kioto, où s’est tenue la dernière assemblée de l’ancien régime, un parlement de samurai élus par les Comités de salut public des clans vainqueurs et des clans ralliés aux vainqueurs ; ils y conduisent le jeune empereur proclamé majeur et lui font prêter le serment d’établir un régime de justice et d’égalité où le gouvernement ne fera rien sans consulter l’opinion publique (6 avril 1868). On s’attaque aussitôt aux deux cents princes féodaux, à ceux qui ont fait la Révolution comme