leurs ministres et leurs fonctionnaires ; la décadence avait été rapide, et, quand Mutsuhito naquit, le désordre de l’administration et des finances, les famines répétées, les soulèvemens populaires, les clans du Sud-Ouest (Choshu, Satsuma, Hizen et Tosa) redevenus indépendans, les conspirations des samurais pauvres et des ronins chassés de leurs clans, également désireux de détruire, tout annonçait une révolution.
Cette révolution éclata lorsqu’en 1853 la flotte des États-Unis jeta l’ancre dans la baie de Yedo en exigeant l’ouverture de l’Archipel au commerce international. Il y avait plus de deux siècles que le shogun, craignant l’ambition des puissances européennes, avait chassé du pays tous les étrangers, excepté les Hollandais, qui pouvaient déposer leurs marchandises dans un îlot de la baie de Nagasaki ; l’établissement des Anglais à Hong-Kong, des Russes à Vladivostock avaient réveillé les craintes d’autrefois, et l’arrivée de l’escadre américaine, que suivirent bientôt des vaisseaux de toutes les grandes puissances, fut considérée comme le signal de l’invasion. Tous alors, las du shogunat incapable, les daimio, les samurai, le peuple se tournèrent vers l’Empereur, prisonnier dans son palais de Kioto.
La cité sainte s’élève dans une plaine riante qu’entoure un cirque de montagnes sauvages ; elle a la forme d’un rectangle allongé, où les rues se coupent à angle droit ; au Nord du rectangle se trouve le gosho, le palais impérial, qu’entourent des jardins : dans l’enceinte réservée on ne voit que des cours couvertes de petits cailloux et des bâtimens de bois peints de blanc, rayés de rouge ; le blanc et le rouge sont des couleurs saintes. En 1853, rien ne paraissait y avoir changé depuis douze siècles ; les hommes s’y vêtaient encore d’amples tuniques de soie, les femmes d’une douzaine de larges pantalons et de robes flottantes, sur lesquelles pendaient leurs cheveux ; les manières, les amusemens, la langue, tout y disait le passé. Nul homme n’approchait l’Empereur servi par des femmes à genoux. Élevé dans cette demeure mystérieuse, ignorant du monde, ignorant même du Japon, comment Komei qui n’avait d’ailleurs que vingt-deux ans, eût-il pu guider son peuple à cette heure difficile ? Il se contenta de répondre que le shogun avait pour mission propre de chasser les barbares. Mais les ministres du shogun ne voulaient pas affronter la coalition des puissances ; des conventions provisoires furent donc conclues qui ouvraient quelques