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assurée, leurs orbites ne s’éloigneront jamais de la forme à peu près circulaire qu’elles ont aujourd’hui, et leurs positions respectives ne feront que de légers écarts autour d’une position moyenne à laquelle la suite des siècles finira par les ramener éternellement. Le monde physique a donc été fondé à l’origine des temps sur des bases inébranlables, et Dieu, pour la conservation des races humaines, ne sera pas obligé, comme à tort l’avait cru Newton, de retoucher son ouvrage. »

Tel est l’état de la question lorsque Poincaré s’y attaque ; et bientôt les découvertes se succèdent. Le problème posé est le suivant : étant donné plusieurs corps de masses connues et dont les situations et les vitesses à un moment donné sont connues, établir ce qu’elles seront devenues au bout d’un temps quelconque t. Pour une seule planète et le soleil, le problème est complètement résolu par les lois képlériennes, mais il faut tenir compte de l’attraction réciproque des planètes, et le cas le plus simple est alors celui où l’on ne considère que deux planètes est le soleil : c’est ainsi que se pose le célèbre problème des trois corps. Or, les difficultés analytiques de ce problème sont telles qu’on ne peut le résoudre que par approximations successives. Dans les calculs qui les avaient fait conclure à la stabilité, Laplace et ses successeurs développaient les coordonnés des astres en séries ordonnées suivant les puissances des masses. Poincaré montre d’abord qu’on ne peut obtenir par ces procédés une approximation indéfinie et que la convergence de ces séries qui avait été admise sans discussion par ceux qui les employaient, n’est rien moins que certaine parce que, dans les termes d’ordre supérieur, on y voit le temps entrer non seulement sous les signes sinus et cosinus, — ce qui conduisait à des compensations périodiques des irrégularités, — mais aussi en dehors de tout signe trigonométrique, ce qui laisse à certaines d’entre elles, au premier abord négligeables, la possibilité d’augmenter indéfiniment avec le temps. Voilà du coup réduites à néant les conclusions de Laplace et de ses successeurs !

Poincaré découvre ensuite que certaines méthodes nouvelles permettent d’exprimer dans tous les cas les coordonnées des astres par des séries purement trigonométriques, évitant les inconvéniens précédens, et il démontre à ce sujet une brillante série de théorèmes nouveaux d’une grande généralité.