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la maman ne serait pas encore rentrée, il est allé jouer chez un ami. La mère gronde. L’enfant ne dit mot, ne pleure pas, ne boude pas. Enfin, il se retourne vers sa mère et lui dit : « A l’avenir, pour ne pas vous faire de la peine, j’aurai un meilleur contrôle sur moi-même. Mais vous aussi, vous êtes avertie et vous ne vous donnerez pas tant d’émotion. »

Il ne faut pas croire que ces gens réfléchis soient nécessairement des gens graves et tristes : il y a, au contraire, dans le caractère américain, une gaieté, une belle humeur qui tient certainement à l’habitude constante de l’entrain et de l’action : le chagrin et l’ennui sont fils de la paresse.

Et, dans ce sens encore, combien n’avons-nous pas à imiter des Américains ? Qu’elles sont vides, nos existences bourgeoises ! L’esprit d’initiative, l’esprit d’organisation, le goût du risque, cet élan qui saisit l’avenir et force la destinée, cette allégresse active qui caractérisa, si longtemps, la race française, deux causes, la pusillanimité des mères et l’étroitesse bornée de l’enseignement, les ont entravés et comme figés.

Si nous voulons reprendre la tradition qui sema le continent américain, lui-même, des initiatives françaises, retournons en Amérique. Le président Roosevelt rappelait, quand il parla à la Sorbonne, que, s’il est quelque part, sur le nouveau continent, au front de la forêt défrichée, une maison, une ferme exposée et construite, pour ainsi dire, en avant-garde, un établissement qui s’appelle la Folie ou l’Aventure, cette demeure, souvent, a été celle d’un Français. Revenons à cette tradition ; allons mettre les pas sur les pas de nos ancêtres. Que le culte d’un Champlain ne soit pas purement verbal ; mais qu’il remue notre âme. L’Amérique devrait bien nous rendre, après des siècles, l’élixir d’action qu’elle nous a emprunté à nous-mêmes.

Un effort plus intense, un travail plus soutenu, une réflexion plus sérieuse, une tenue physique et morale plus droite et plus fière, telles sont les hautes leçons que le peuple américain peut donner à une race qui, fort heureusement, ne craint pas de multiplier ses tâches et ses devoirs.

Ne pourrions-nous pas, en plus, emprunter à l’Amérique quelque chose de cette tenue morale que lui donne son traditionnalisme religieux ? En France, nous affectons de traiter un peu cavalièrement les problèmes qui ont, de tous temps, passionné l’humanité, — les problèmes du mystère et de la