chaque jour, si, malgré certaines défaillances et certaines tares, il demeure un modèle et oserais-je dire ? un étalon dont l’espèce humaine peut s’enorgueillir, il reste à définir sa valeur réelle, les chances qu’il a de se propager, de se perfectionner encore, en un mot les conditions probables de son succès et de sa survie.
Tout le monde admet que l’Américain, « tel qu’on l’admire, » est le produit d’une préparation et d’une sélection propres à certains États, ou, mieux encore, à certaines grandes villes : c’est l’Américain ayant plusieurs décades de séjour et d’établissement, l’Américain des classes supérieures ou des classes moyennes étroitement groupées autour du drapeau étoilé, relevant la fierté du nom déjà transmis par plusieurs générations : « démocratie » qui est déjà, comme celle des républiques antiques, une espèce d’aristocratie.
Le type américain de demain sera-t-il entièrement conforme à celui qui vient d’être décrit ? Un certain doute commence à effleurer l’esprit des « nationalistes » américains les plus avisés. Inutile d’évoquer la question « nègre » ou la question jaune pour comprendre de quoi il s’agit[1].
Récemment, à propos de l’étrange lutte engagée entre M. Taft et M. Roosevelt, un des hommes les plus considérables de la République exprimait devant moi ses doutes, sinon ses inquiétudes. Il faisait un exposé rapide des conditions de la lutte et s’efforçait de pronostiquer le verdict dont le secret repose dans l’âme du peuple américain : « Nous autres Américains, disait-il… et, tout à coup, il s’arrête : « Nous, reprend-il ; qui, nous ? Le peuple américain est-il resté pareil à lui-même. L’afflux des émigrans qui deviennent si vite des votans, le transforme sans cesse. Qui peut dire le véritable caractère social de ces millions d’étrangers et métèques mêlés à notre substance par un apport constant ? » Le même personnage ajoutait, à titre d’exemple : « New-York compte, maintenant, un million d’israélites. C’est la plus grande cité juive du monde. Et les juifs arrivent sans cesse. Comment notre vieille demeure puritaine supportera-t-elle l’adjonction de cette « Jérusalem nouvelle ? »
L’aspect d’une ville américaine fournit une image frappante de l’état de cette civilisation inachevée, inégale, incomplètement
- ↑ Ces questions sont étudiées avec précision dans l’ouvrage de P. Leroy-Beaulieu. Les États-Unis au XXe siècle. A. Colin, 1904, in-12, p. 1-67.