anglo-saxons, enorgueillit les Américains, même quand leurs origines particulières sont autres. L’émigrant, à la deuxième génération, oublie la langue maternelle, s’élève lui-même à l’américaine, affecte de ne parler que l’anglais, anglicise son nom, se glorifie de son reniement : ce n’est que plus tard, bien plus tard, qu’il revient en Europe se rechercher des ancêtres[1].
Ainsi s’est constitué, avec des apports empruntés aux différens peuples, mais où celui de la France n’a pas manqué, une formation originale, autochtone, maintenant répandue sur tout le sol des États-Unis. Les caractères en sont si nettement tranchés qu’ils frappent les observateurs les moins attentifs : leur notation est, pour ainsi dire, classique. Selon qu’on se place au point de vue optimiste ou pessimiste, selon qu’on blâme ou qu’on loue, les qualificatifs diffèrent, mais les constatations sont les mêmes.
Parmi les Américains, — pour les laisser parler eux-mêmes, — les uns vantent, comme les qualités éminentes de leur race : la confiance en soi, l’esprit d’équité, l’énergie, l’amour de l’ordre social et l’aptitude à l’organisation, le développement personnel et l’éducation collective, l’esprit religieux, la recherche de l’égalité des conditions et des chances.
Les pessimistes déplorent l’idéal industriel et l’esprit business, une « sentimentalité conventionnelle » dans la vie émotive, une « débilité spirituelle » dans la vie religieuse, un « manque de formes » dans la vie sociale ; un « aveuglement volontaire » dans la vie politique ; enfin, une « nonchalance d’intelligence » pour toutes les questions qui ne touchent pas aux affaires[2]. »
- ↑ M. l’abbé Klein cite un trait frappant de cet oubli des origines chez l’émigré en Amérique : « Où j’ai le mieux constaté le pouvoir assimilateur des États-Unis et la facilité avec laquelle on s’y détache des anciennes patries, c’est dans la rencontre que j’ai faite en chemin de fer, au Nouveau-Mexique, d’un jeune homme et d’une jeune femme d’environ vingt-cinq ans, nés, tous deux, au Kansas, l’un d’une mère et l’autre d’un père émigrés de France : non seulement les deux voyageurs n’avaient aucune espèce de relation familiale avec nous, mais ils étaient incapables de dire un seul mot de notre langue et ils ne savaient le nom ni de la ville, ni de la province où étaient nés leurs parens. Tout au plus, la jeune femme conclut-elle que ce devait être près de Paris, le seul nom sans doute qu’elle connût de la France. » L’Amérique de demain, p. 64.
- ↑ Indications empruntées au livre si intéressant de M. Van Dyck, le Génie de l’Amérique, Calmann-Lévy, in-12. Voyez notamment p. 135. — Voyez aussi Firmin