avec ses compagnons, si ce n’est avec ceux qui sont de commandement… Cependant, s’il est sage et advisé, il ne se doit tant lier en son esprit particulier, lorsqu’il est principalement besoin d’entreprendre quelque chose de conséquence, qu’il ne prenne conseil de ceux qu’il cognoîstra les plus advisés et notamment des anciens navigateurs qui ont éprouvé le plus de fortunes de la mer…
« Il doit être libéral et courtois aux vaincus, en les favorisant selon le droit de la guerre ; surtout, tenir sa parole, s’il a fait quelque composition… Il ne doit user de cruauté ni de vengeance… S’il use de la victoire avec courtoisie et modération, il sera estimé de tous, des ennemis mesmes qui lui porteront tout honneur et respect… »
C’était l’ancienne manière française.
Ce qu’ont accompli des hommes vivant selon ces règles de conduite, ne peut s’expliquer que par leur parfait équilibre et leur solidité physique et morale. De 1603 à 1633, Champlain a fait vingt-quatre fois la traversée de l’Atlantique sur des bâtimens qui ne valaient, certes, ni comme tonnage, ni comme sécurité, les grands canots des steamers d’aujourd’hui. Il a subi les orages, les tempêtes, les maladies, les fatigues de la guerre et de la paix, les rebellions, les embûches, les trahisons, la résistance du temps et de la nature sur les mers et sur les terres sauvages ou civilisées. Ce qu’il redoutait le plus, c’était la navigation sur les eaux de la politique et de la Cour ; mais, là comme ailleurs, il « tenait droit le timon. »
Le premier, il a parcouru le continent septentrional américain depuis la baie d’Hudson jusqu’aux lieux où devaient s’élever Boston et New-York ; il fit une pointe à l’intérieur jusqu’à la ligne des Grands Lacs et comprit l’avenir du Mississipi, comme artère centrale d^une vaste domination. Dans sa jeunesse, il avait parcouru le Mexique et l’isthme de Panama, pronostiquant le percement du canal qui devait mettre en communication les deux océans : pareil à ces hommes qui trouvent les sources, il lisait, selon la disposition des lieux, la fondation et la prospérité des futures métropoles ; il traça le dessin de la domination qui devait être celle des États-Unis, et qu’il espérait française ; il fonda Québec et désigna l’emplacement de Montréal ; il débarbouilla les esprits du préjugé de l’or et enseigna que toute colonie, dans l’Amérique septentrionale, devait s’appuyer avant