Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 11.djvu/259

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Moi ? balayer ! et quoi ? et où ?

— C’est justement là que réside peut-être la sagesse : toujours se garder, par le monde, un coin à balayer !

Jérôme Baroney n’avait pas l’air convaincu. Il se forçait à rire des propos de son frère.

— Ah ! mon pauvre Gabriel, il s’agit bien de balayer et de rire ! Il se passe des choses épouvantables.

Et d’une voix saccadée, il raconta la scène à laquelle il avait assisté la veille, il résuma la lettre éhontée de Maxime et peu à peu, la colère l’emportant sur la prudence, il cria tout son ressentiment contre son fils, toute sa rancœur, toute sa douleur de traîner une vie absurde.

Gabriel le laissa dire ; ne parvenant pas à lui faire baisser le ton, il l’entraîna doucement dans le parc, ne cherchant pas à l’interrompre, conscient du soulagement que ce flot de paroles pouvait procurer au pauvre homme.

Gabriel Baroney connaissait toutes les récentes fantaisies de Maxime. La nouvelle de l’escapade le peina sans le surprendre. N’avait-il pas tout prévu, n’avait-il pas averti Marthe des suites probables de cette malheureuse aventure de leur amour ? Il ne dit rien de tout cela. Jérôme finirait peut-être par se rendre compte de son perpétuel aveuglement. Appartenait-il à Gabriel de donner une leçon à son aîné ? Aussi bien n’était-il plus temps !

— Que faire ? Que faire ? répétait Jérôme.

— Rien ! répondit nettement son frère. Maxime n’est pas un homme à se laisser mener de force. Et c’est la pauvre Marthe qui a sans doute raison : il reviendra, il ne peut pas ne pas revenir. Seulement, à mon avis, il faut faire en sorte qu’il n’aggrave pas la situation. Avec quel argent va-t-il vivre à Paris ?

— Pour moi, il va aller se faire héberger par sa mère !

— Tu crois ? Mon Dieu, c’est, en somme, ce qui peut arriver de moins fâcheux ! Et s’il en est ainsi, mes craintes s’évanouissent…

— Quelles craintes ?

— Puisqu’elles sont évanouies ! Et puis, tu me connais, je vais chercher midi à quatorze heures…

Ce que Gabriel redoutait, et qu’il ne voulut pas avouer à Jérôme, c’est que Maxime ne dilapidât la dot de Marthe.

— En résumé, continua Gabriel Baroney, ne rien créer d’irrévocable entre les deux jeunes époux. Gronder doucement le