terre à qui le baron puisse écrire aussi copieusement. Il n’y en a qu’une… C’est couru !… Alors quoi ?… »
— Alors quoi ? répéta machinalement Jérôme, c’est un brave homme, lui ! Je n’en ai jamais douté une minute. Il n’épousera pas Rolande ! Et Rolande est assez fine pour commencer à le deviner. C’est dommage, en somme. Il aurait fait quelque chose de ma fille.
Il lut tout haut la fin de la lettre où Rolande décrivait gentiment, pour la tante Anna, une exposition de dentelles, et où elle s’informait de la santé de chacun.
Après dîner, il dépouilla son courrier, fort chargé, y répondit, ce qui le conduisit jusqu’aux environs de onze heures. Quand il put enfin réfléchir à la situation créée par la fugue de son fils, il se trouva tellement fatigué, si déprimé, qu’il alla se jeter sur son lit.
Le lendemain, Jérôme se réveilla tout courbaturé, plus désemparé encore que la veille. Il eût voulu mettre tout de suite à exécution son projet de visite à Filaine ; mais, ne sachant dans quelle partie du domaine il trouverait son frère, il résolut d’attendre l’heure du déjeuner. Gabriel le lui avait souvent répété : « Ton couvert est toujours mis à ma table, tu n’as qu’à entrer sans frapper. » Mais l’heure du déjeuner le surprenait toujours sur un des chantiers, et il préférait dîner au Château-neuf où les conversations consistaient en une série d’onomatopées reposantes et où il avait, sous la main, ses paperasses, ses plans et… son lit. Aussi s’était-on habitué peu à peu, chez les Gabriel, à ne plus voir du tout le morose architecte. Mais on ne l’y oubliait pas.
Il se mit donc en route ce matin-là à tout hasard, persuadé qu’il serait le bienvenu. Il prit par le chemin de l’Igneraie, et, à travers champs, jusqu’à la ferme. Le vent avait chassé les nuages. Le soleil, pour la première fois de l’année, venait jeter un coup d’œil sur son domaine… Février, c’est le réveil de la terre, elle aspire à secouer la torpeur hivernale : les jours allongent. Les abeilles, qui devinent tout, sont sorties en même temps et les voici qui s’élancent, joyeuses, vers les chatons des noisetiers. Dans les terres saines, on commence à semer les avoines. Ailleurs, on laboure pour les semailles de printemps. C’est, de tous côtés, comme une fièvre de travail. Jérôme sentait vaguement cette bonne agitation. Il n’y participait point. En