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temps à autre, voir les progrès de sa villa. Et Maxime partait à son tour. Il avait mis la clef sous la porte comme un rastaquouère qui, après avoir « bluffé » quelques mois, n’attend même pas la livraison de ses commandes pour aller exercer ailleurs ses déplorables aptitudes à se moquer d’autrui.

Jérôme était loin d’approuver les projets « cavaliers » de Rolande. Il vivait trop en dehors du mouvement mondain pour se rendre compte que ses procédés, sans être d’un usage général, étaient assez répandus. Il espérait et redoutait tout à la fois l’échec de sa fille. Il était de la vieille école qui refusait à la poule la permission de chanter avant le coq. Mais il eût été ravi de voir le baron devenir son gendre. Il eût eu ainsi un enfant de son élection et de sa race, si singulièrement dénaturée chez Maxime, ce pantin, et même chez Rolande, honnête, certes, mais d’un snobisme gênant.

Il n’y avait pas jusqu’à sa femme, la pâle Fanny, dont Jérôme n’eût pas su dire, à cet instant, si elle avait rempli tout son devoir. N’aurait-elle pas dû, en l’absence perpétuelle et forcée du chef de famille, assumer davantage la direction du foyer ? Qu’avait-elle fait de son fils, de sa fille ? Où allaient-ils, ainsi, tous, à la dérive ?

Jamais le pauvre homme n’avait aussi nettement regardé la réalité. Son vêtement ruisselant ne détonnait pas au milieu de ces réflexions démoralisantes… Et lui-même, Jérôme Baroney, à quoi aboutissait sa vie éreintante ? A cet échouement chez la tante Anna et à l’absurde édification d’une villa baroque où aucun des siens ni lui-même n’habiterait jamais.

« C’est ma juste punition, murmurait-il entre ses dents. On n’a pas idée de faire les quatre volontés d’un sauteur sous prétexte qu’il est votre fils… Ah ! si c’était à recommencer ! Quelle vie ! quelle vie ! »

Les tantes Anna et Malvina achevaient de diner quand il arriva au Château-Neuf.

— Ah bien ! par exemple, Jérôme, s’écria la tante Anna, je te croyais bien perdu ou noyé. Noyé, oui, noyé, plutôt. Quel temps ! Ce n’est pas de la pluie qu’il faudrait en février. Non, ce n’est pas de la pluie… Mais le vent a tourné ce soir… Il fera peut-être beau demain.

— Beau ? interrompit Jérôme, sans réfléchir, ça m’étonnerait.