cher, c’est pour s’en servir. Les occasions, c’est-à-dire les prétextes, ne leur manqueront pas quand ils croiront l’heure sonnée. Une de ces occasions a paru s’offrir à eux ces jours derniers, ils en ont fait énormément de bruit, mais ils s’en sont tenus là. Une bombe a éclaté à Katchana sur le territoire ottoman. Par qui a-t-elle été lancée ? Les Turcs ont cru que c’était par des révolutionnaires bulgares, ce qui est possible, et comme chez eux le premier mouvement se traduit aisément par un massacre, ils ont massacré un certain nombre de Bulgares. L’impression produite par cette nouvelle en Bulgarie a été immense. Le cri : « On assassine nos frères ! » est sorti de toutes les bouches, ou plutôt est parti de tous les cœurs. Des démonstrations belliqueuses ont été faites dans tout le royaume ; le gouvernement a été sommé de déclarer la guerre. Le mouvement a été profond et il n’y a pas lieu de douter de sa sincérité, mais il est permis de dire qu’il a été aussi l’objet de quelque mise en scène. On s’est livré, en Bulgarie, comme à une répétition générale de ce qui y arrivera plus sérieusement quand le grand jour sera venu. Le roi, qui était absent, a dû rentrer à Sofia ; il y a rempli son office ordinaire qui est de calmer l’effervescence des esprits. N’y a-t-il donc plus rien à craindre ? Le danger immédiat est sans doute conjuré, mais celui qui résulte de la situation générale dans les Balkans est bien loin de l’être. Il ne faudrait qu’une étincelle pour tout enflammer. Les passions sont surexcitées, les appétits sont aiguisés, les gouvernemens sont attentifs. Jusqu’ici la Serbie était restée immobile : elle vient à son tour de déclarer qu’on égorgeait ses frères du côté de Novi Bazar et elle crie vengeance comme la Bulgarie, avec laquelle on assure d’ailleurs qu’elle a conclu une entente. La Grèce seule n’a pas encore bougé, bien qu’on la dise aussi d’accord avec la Bulgarie et la Serbie. Il y a partout de l’inquiétude, de l’agitation, de l’attente, — et heureusement aussi quelque circonspection.
Pendant ce temps, le ministère ottoman donne le plus fâcheux spectacle de faiblesse interne. Dans une situation aussi grave que celle que nous venons de décrire, — encore n’avons-nous parlé que des difficultés intérieures et il ne faut pas oublier qu’elles se compliquent d’une guerre étrangère qui dure trop et se prolonge sans aboutir, — il semble que tous les patriotes ottomans devraient ne songer qu’à la patrie en danger. Il n’en est pas ainsi : les ligues qui divisent le pays et les armées continuent de se livrer à leurs dissensions et se disputent dans le sein du gouvernement lui-même. Jamais pays n’a eu un plus grand besoin d’un gouvernement fort : le ministère Mouktar est trop