J’ai, dès l’aurore, erré dans le parc dévasté,
Et, remplissant mes mains pâles des feuilles mortes
Dont un funeste vent balayait les cohortes,
J’ai gémi sur la gloire éteinte de l’été.
O jours d’or et d’ivresse où tout l’être s’exalte,
Jours dont me hante encor le vierge souvenir,
Que n’ai-je pu, divins instans, vous retenir
Et de l’ardent solstice éterniser la halte !
Mais je vois l’ombre croître où grandissait l’azur,
Et, n’ayant voulu boire à la source première
Que des flots jaillissans de limpide lumière,
Je pleure, face à face avec l’hiver obscur.
Tout le jour, sous l’ardeur du soleil, immobile,
La forêt, s’éveillant aux souffles frais du soir,
Exhale un long soupir si triste qu’on croit voir
Un cœur gonflé d’amour et dont s’émeut l’argile.
Or, c’est un cœur peut-être, endormi très longtemps,
Que remue un désir ou qu’un regret oppresse,
Et qui, ne pouvant plus contenir sa tendresse,
La communique à l’ombre en murmures flottans.
C’est donc pourquoi, mon Dieu, l’âme d’angoisse étreinte,
Le front penché sur des abîmes d’infini
Et par mille liens à la nature uni,
J’écoute éperdument la fraternelle plainte.
Des cimes de cyprès dentellent l’horizon
Comparable aux plus fins paysages d’Ombrie,
Et dans la plaine au loin par places assombrie
Une humble cloche éteint sa limpide oraison.