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mérites respectifs comme la part qu’il faudrait faire à chacun. Mais ce que nous savons d’eux peut suffire. Tous travaillèrent à une même tâche dont ils ne soupçonnaient du reste pas la grandeur. Continuateurs corrects de leurs prédécesseurs administratifs, défenseurs scrupuleux des intérêts dont ils estimaient avoir charge, ils étudièrent force projets qui n’aboutirent point, et firent acquérir d’autre part quelques établissemens nouveaux. De cette double façon, ils furent parmi les principaux auteurs de l’œuvre coloniale de Louis-Philippe, l’Algérie devant toujours être laissée à part.

Quant au caractère comme à la portée de cette œuvre, ils sont très nets. Les petits territoires épars, occupés à cette époque, ont été avant tout des jalons. Divers archipels sont venus se grouper autour de ceux que le ministère Guizot avait choisis en Océanie, et ce fut la politique de protection aux missionnaires qui nous engagea dans la conquête de l’Indo-Chine. Après Nossi-Bé et Mayotte, Diégo-Suarez, puis Madagascar tout entier finirent par devenir français. Le développement du Sénégal et les postes de la côte de Guinée amorcèrent notre empire de l’Afrique Occidentale, tout comme notre Afrique Équatoriale procède des quelques lieues de territoires généreusement cédées à l’embouchure du Gabon, par notre « allié, » le roi Denis. Pour ces accroissemens prodigieux, il fallut, sans nul doute, des circonstances impossibles à prévoir vers 1840 ; mais nous avons pu profiter de ces circonstances, parce que, à l’insu du public, à l’insu même des gouvernans, un véritable esprit colonial subsistait quelque part en France, ainsi que des aspirations très étudiées et des traditions très nettes. L’histoire coloniale de la monarchie de Juillet permet de constater la persistance de ces traditions et la façon dont elles se conservèrent, en même temps qu’elle montre la préparation matérielle des temps futurs. C’est pourquoi quiconque cherche à comprendre notre expansion présente ne saurait la tenir pour indifférente.

Christian Schefer.