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entreprenante et, dans le temps où le gouvernement acceptait, non sans hésitations, le protectorat sur Tahiti, il avait transformé ce protectorat en annexion complète et favorisé ainsi, ou provoqué, un conflit très aigu avec le pseudo-consul britannique, Pritchard. La nouvelle de ces incidens parvint en Europe au début de 1844. À ce même moment, le développement de nos opérations en Algérie et la nécessité d’en finir avec Abdel-Kader conduisaient à préparer une expédition contre le Maroc, expédition qui, elle aussi, provoquait à Londres de vives récriminations. S’ajoutant aux rancunes qui persistaient depuis la crise orientale de 1840, comme aux difficultés toujours pendantes à propos du droit de visite, une série d’incidens qui se rattachaient à notre développement colonial venaient ainsi surexciter les passions populaires des deux côtés du détroit, et, du même coup, envenimer assez sérieusement les rapports entre les deux gouvernemens. L’entente avait beau devenir peu cordiale, le ministère français entendait lui demeurer fidèle et peut-être ne pouvait-il pas faire autrement. Mais il se trouvait alors dans une situation particulièrement défavorable à l’exécution d’un plan quelconque d’expansion lointaine.

À ce fait général, dont l’action fut certaine, encore qu’impossible à mesurer, s’adjoignaient des considérations particulières, qui ne sont pas, du reste, toujours faciles à démêler. Dans un rapport au Roi, le ministre de la Marine se bornait à mentionner la nécessité d’attendre des circonstances plus propices avant de créer l’établissement projeté sur la route du cap Horn. Cette formule, qui semble volontairement énigmatique, permet simplement de constater la persistance des desseins en même temps que l’ajournement de l’exécution ; il demeure provisoirement impossible de démêler l’histoire de ces visées sur l’Atlantique méridional. Sur le point de relâche dans les mers de la Sonde, nous sommes en revanche mieux renseignés, et fort heureusement, car ce fut cette seconde affaire qui devint la pierre d’achoppement de tout le système. Lagrenée et l’amiral Cecille avaient été cependant on ne peut plus satisfaits de leur visite à Basilan. L’ile offrait bien, pour l’établissement d’un grand port, tous les avantages annoncés par Mallat ; ses chefs, puis le sultan de Soulou dont ils dépendaient plus ou moins, avaient également consenti des traités qui, s’ils ne nous transféraient point la pleine propriété juridique, nous garantissaient