quelques objections, mais on lui démontrerait qu’il fallait à tout prix se débarrasser de cette nation gênante pour tous… Le Times faisait l’Europe juge de tels desseins. Qui dès lors pouvait être sûr de sa propre indépendance ? Que ne devait-on pas attendre de ceux qui déclareraient une nouvelle guerre dans de semblables conditions ? Il fallait dissiper l’angoisse générale. C’était à l’Allemagne de rassurer par une déclaration formelle, non seulement la France, mais tout le monde civilisé, car des théories aussi sauvages mettraient en péril le droit des gens.
Au moment où allait paraître le premier article du Times, le prince de Hohenlohe s’était présenté au quai d’Orsay, porteur d’une note du chancelier qui visait les armemens exagérés de la France. Cette note, je puis l’affirmer d’après ce que m’en a dit autrefois Albert Sorel, qui avait reçu les confidences du duc Decazes, ressemblait à un ultimatum et jeta le plus vif émoi dans le monde officiel. Aussi, cet émoi gagna-t-il bientôt les diverses chancelleries. Si l’on traitait ainsi la France, quel était le sort qui attendrait prochainement les autres puissances ? « Telle est, ajoutait la lettre envoyée au Times, la considération qui devrait faire sortir l’Europe de son indifférence et lui rappeler cette recommandation peu flatteuse, mais ingénieuse, d’une paysanne qui, en laissant ses enfans seuls à la ferme leur disait : « S’il vous arrive quelque chose, ne criez pas : Au voleur ! Personne ne viendrait, car vous seriez seuls en danger d’être volés… Criez au feu ! si vous voulez faire accourir les voisins, car le feu peut brûler tout un village ? »
A la suite de la lettre de Blowitz, le journal anglais appréciait en ces termes la théorie attribuée au parti militaire allemand : « Elle serait plus digne d’un conquérant barbare que d’un État civilisé. » Le lendemain, 7 mai, le Times consacra à cette grave affaire un second article aussi impressionnant que le premier. « Qui peut croire, disait-il, que des hommes d’État, comme le prince de Bismarck et ses collègues, ne se préoccuperaient pas de l’irritation que causerait en Europe un procédé inconnu depuis le premier Empire ? Il semble presque impossible que l’empire allemand entreprenne l’effroyable tâche de ruiner la France sans amener le rapprochement de ses voisins et leur réunion en une ligue hostile contre lui ? » Puis, dans un troisième article, il ajoutait : « Il est inadmissible que les craintes des Français se réalisent. L’Allemagne n’osera pas ou-