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REVUES ÉTRANGÈRES

WILLIAM COWPER
D’APRÈS SES LETTRES INTIMES[1]

Les lettres du poète anglais William Cowper sont incontestablement, comme je le disais l’autre jour, les plus belles à la fois et les plus célèbres qu’ait à nous offrir toute la littérature classique de leur pays. Pénétrées d’une exquise lumière de printemps, doucement souriantes et spirituelles dans leur naïf abandon, elles ne nous révèlent, en vérité, que l’un des deux aspects opposés de ce qu’on serait tenté d’appeler la « double existence » du poète fou, — trop heureux de pouvoir échapper momentanément, pendant qu’il écrit, à la terrible hantise de ses « diables noirs : » mais nous n’en avons pas moins l’impression d’y voir s’ouvrir librement à nous son âme tout entière, telle que toujours elle s’est conservée par-dessous l’espèce de « possesion » qu’elle a eu à subir. Une âme d’enfant, mais aussi une âme de poète et de peintre, infatigable à imprégner de tendres et délicates émotions « lyriques » le spectacle familier d’une réalité dont elle percevait jusqu’aux moindres nuances avec une précision, une clarté, un relief merveilleux. Ainsi de page en page elle revit sous nos yeux, dans la longue série de lettres intimes dont un choix nouveau vient d’être publié par M. Frazer ; et c’est elle que je vais essayer d’en dégager aujourd’hui, après avoir dû me borner, le mois passé, à rappeler brièvement l’étrange et douloureuse carrière du poète de la Tâche et de John Gilpin.


Le 17 juin 1765, William Cowper est sorti de l’asile d’aliénés de

  1. Voyez la Revue du 15 juillet 1912.