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GIOVANNI PASCOLI.

prières de ses amis et les conseils de Carducci finirent par persuader à l’enfant prodigue de rentrer au bercail. Alors il se reprit, et se remit avec courage à la préparation des examens. En 1882, il conquit la laurea, — le titre qui lui permettait de devenir enfin professeur.

On l’envoya loin pour ses débuts officiels : au lycée de Potenza. La discipline de l’enseignement était celle qui allait achever de le former. Longtemps il avait étudié : il devenait maître à son tour, prenait confiance en lui-même, ordonnait ses connaissances, s’initiait à un public, celui de tous qui exige Je plus de clarté intellectuelle et de dignité morale ; de jeunes âmes, fraîches et neuves, s’ouvraient tous les jours devant lui : il n’avait qu’à y lire. Les momens heureux de la classe, où l’on répand pour les autres son esprit et son cœur, tout en sentant sa propre personnalité s’enrichir ; les momens ingrats, où l’on peine sur les devoirs hâtifs d’écoliers négligens, où la fonction devient besogne, lui furent diversement salutaires. Dans la ville lointaine, qui le retenait hors de sa province comme pour le forcer à mieux connaître son pays, Pascoli avait fait venir ses deux sœurs : Ida devait le quitter pour un nouveau foyer, Maria rester avec lui jusqu’à sa mort : Maria, dolce sorella… Le soir, ils jouissaient de la douceur d’être ensemble : le frère écrivait, les sœurs cousaient sous la lampe.

Le lycée de Livourne, celui de Massa di Carrara ; un cours de grammaire grecque et latine à l’Université de Bologne, une chaire de littérature latine à Messine ; Pise, et Bologne encore : telles devaient être les étapes de sa carrière. Mais désormais le poète était né. Il avait surgi, lentement, à travers les expériences de la vie, loin de ce mirage de gloire qui séduit l’âme des jeunes gens, et les pousse à écrire avant d’avoir travaillé, compris, souffert ; et c’était son honneur, que ce long, cet exceptionnel apprentissage de modestie et de sincérité. Pascoli avait trente-sept ans lorsqu’en 1892 il réunit ses productions éparses pour les présenter au public : non point floraison hâtive du printemps, ainsi qu’il le disait, mais fruits murs de l’été ; ou mieux encore, bouquet d’humbles plantes des champs : arbusta juvant humilesque myricae[1].

  1. Les œuvres de Pascoli sont publiées chez Zanichelli dans une édition d’ensemble : I. Myricue ; II. Primi Poemetti ; III. Nuovi Poemetti ; IV. Canti di Castelvecchio ; V. Odi ed Inni ; VI. Poemi conviviali. Il faut y ajouter Le Canzoni di Re Enzio et les Poemi italici ; les poésies latines, telles que l’Inno a Roma et l’Inno a Torino ; les œuvres de critique dantesque ; les Pensieri e Discorsi ; et plusieurs discours édités à part, notamment Italia, Nel cinquantenario della patria, — Garibaldi, — Commemorazione di Giosue Carducci, — La grande proletaria si è mossa.