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est dans les eaux sous la terre. » (Exode XX, 4.) Hostiles à l’art en général, saint Clément d’Alexandrie, Tertullien, Origène, saint Irénée s’attaquent en particulier aux statues, qui sont à leurs yeux comme le symbole de l’immoralité païenne. La condamnation de l’idolâtrie n’était pas d’ailleurs quelque chose de nouveau dans le monde ; sans parler des Juifs, dont la haine des idoles était telle que les Romains avaient renoncé, au moment de l’occupation de la Judée, à faire pénétrer les aigles d’argent de leurs légions dans l’enceinte de Jérusalem, on trouve, et c’est là un fait moins connu, un véritable courant iconoclaste chez les philosophes païens eux-mêmes. Six cents ans avant l’ère chrétienne, l’anthropomorphisme est condamné par les Ioniens, comme Xénophane ou Héraclite, et l’on a la preuve que le culte sans statues était aussi un des articles de foi de la communauté religieuse fondée par Pythagore. Il n’est pas rare d’ailleurs de voir les apologistes chrétiens trouver dans les œuvres des auteurs grecs et latins des argumens contre l’idolâtrie, et c’est même ainsi que beaucoup de ces opinions nous sont parvenues. C’est par saint Justin que nous connaissons un passage des comédies de Ménandre hostile aux idoles[1], et saint Augustin nous a conservé de curieuses discussions, dues à Varron, sur le même sujet[2]. Plus tard des stoïciens comme Dion Chrysostome ou des néoplatoniciens comme Maxime de Tyr entreprirent, à l’aide de leur méthode allégorique, de justifier le culte des idoles : le caractère apologétique de leurs dissertations prouve suffisamment qu’ils avaient à réfuter des contradicteurs.

Le paganisme a donc eu sa querelle des images : à plus forte raison la sculpture, condamnée par la loi mosaïque, devait choquer les premiers chrétiens, et même lorsque l’art eut acquis droit de cité dans le christianisme, des protestations ne cessèrent d’être formulées contre les abus auxquels donnait lieu l’usage des icônes. On a cité bien souvent celle d’Eusèbe qui détourne une princesse impériale de se faire fabriquer une image du Christ, celle de saint Épiphane qui ne craint pas de lacérer un tissu où l’on voyait une représentation de ce genre, celle du concile d’Elvire en Espagne (300), qui interdit formellement de peindre des images sur les murs des églises. Dans des régions très différentes, des évêques témoignèrent parfois

  1. Justin, Apolog., 1, 22, 5.
  2. De Civil. Dei, IV, 31 ; VII, 5.