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pas relier tous les tronçons du continent africain où flotte le drapeau français, si nous n’organisons pas solidement et progressivement les confins algéro-marocains et la Mauritanie. L’armée d’Algérie et l’armée noire se partageront le travail d’après ces données simples.

Si l’on veut entretenir une armée sénégalaise en lui conservant toutes ses qualités et en réduisant les frais au minimum, il faut trouver le moyen de la placer dans son milieu, parmi des populations de même couleur. Si, de plus, on évite les transports de troupes par voie de mer, on diminue, en même temps que les dépenses, l’appréhension naturelle à l’homme qui part de son pays pour des régions mystérieuses. Le tirailleur recruté sur les rives du Sénégal rejoint volontiers une compagnie stationnée à trois mois de route, dans le Ouadaï ou le Kanem. Le voyage n’est plus une fatigue ; de poste en poste, notre soldat rencontre des indigènes de même race et des camarades avec lesquels il a parfois servi. Le jour de sa libération arrivé, le tirailleur refait le chemin en sens inverse, juche la femme et les enfans sur un bœuf porteur et, d’étape en étape, arrive enfin dans son village.

La jonction pratique d’Alger et de Tombouctou reste encore très aléatoire ; l’itinéraire est long, le pays désert, les routes ne seront jamais sûres. Il n’en va plus de même si l’on traverse la Mauritanie pour se rendre de Saint-Louis à Marrakech. Lorsque le gouvernement se laissa entraîner à la conquête du Tagant et de l’Adrar, il ne s’attendait certes pas à préparer une route nouvelle de pénétration vers le Maroc dont l’indépendance était alors considérée comme un dogme intangible. Sous la vigoureuse impulsion du colonel Gouraud, nos troupes ont pacifié ces régions difficiles ; nous occupons Atar et Chinguetti, les reconnaissances ont dépassé Tourine et la sebkha d’Idjil. Il reste à maîtriser la route d’Anadjim, Grona, Tendouf, Taroudant. L’itinéraire Saint-Louis-Taroudant n’aura pas moins de 2 500 kilomètres, soit la distance de Saint-Louis à Gao, mais le tiers du chemin est acquis et 2500 kilomètres pour un noir ne représentent que dix semaines de route.

Les relations entre la Mauritanie et le Maroc n’ont jamais cessé. Notre plus terrible ennemi de l’Adrar, le célèbre Ma et Aïnin, le chef aux cavaliers bleus, se ravitaillait à Fez en armes et en munitions. On sait qu’il vint demander appui à