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pendant l’action, une division sénégalaise jusqu’au moment de l’assaut, à coup sûr la position serait enlevée d’un élan irrésistible, mais la circonstance est fortuite et ne s’accorde pas avec l’expérience de la guerre.

On n’obtiendra pas les résultats qu’on faisait escompter en 1910 sans transformer les mœurs des troupes noires, et c’est une œuvre de longue haleine ; le temps l’accomplira, mais non la volonté des hommes. D’ailleurs, il n’est plus question de se lancer dans les rêveries. Les événemens du Maroc se sont chargés d’imposer l’emploi rationnel des troupes sénégalaises.


VI

Un seul bataillon sénégalais tenait garnison dans la Chaouïa lorsque la marche sur Fez fut décidée. Ce mouvement allait engager la France dans une politique nouvelle et faire surgir de nombreuses difficultés diplomatiques. Mais, fait plus grave, notre situation militaire dans l’Afrique du Nord se trouva modifiée de fond en comble. Au lieu de continuer l’action lente, mais sûre, d’une pénétration méthodique, avec les effectifs de notre 19e corps d’armée, le gouvernement jugea préférable de frapper un grand coup et se trouva pris dans l’engrenage d’une expédition. Nos troupes entrèrent dans la capitale. Mais il fallut s’y maintenir et, pour cela, garder les communications avec la côte. Avait-on prévu la révolte de Fez et l’hostilité des tribus voisines ? Avait-on préparé la marche nécessaire d’Oudjda sur Taza et le mouvement sur Kasba et Maghzen et l’oasis du Tafilalet des troupes des confins Sud ? Les ressources dont disposait le général Lyautey pour mener à bien cette œuvre colossale se sont révélées insuffisantes. Le courage héroïque de nos soldats a sauvé la situation Jusqu’à ces jours derniers, mais il ne serait ni prudent ni désirable d’abuser de leur dévouement.

En s’embarquant pour le Maroc, le nouveau résident général demanda l’envoi immédiat de 4 000 hommes ; les opérations des généraux Gouraud et Dalbiez ont démontré qu’il fallait expédier au plus tôt de nouveaux renforts. Où les prendra-t-on ? La métropole a rendu quatre bataillons de zouaves à l’Algérie, ce qui permet de garder 32 bataillons dans les trois provinces et dans la Régence de Tunis : c’est là un minimum au-dessous duquel la domination française et la mobilisation du 19e corps d’armée