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couronne. Il en a toujours agi vis-à-vis de moi avec cette circonspection qu’il employait avec tout autre souverain. Une réquisition faite dans des termes plus analogues à ce principe, m’aurait pu fournir des moyens de marquer à Votre Majesté la part et l’intérêt que je prends à tout ce qui la regarde, sans blesser ma dignité, sans faire aucune offense à mon territoire, et sans alarmer mes sujets. D’autres époques pour motifs et circonstances tout aussi critiques ont donné à Naples un exemple cité dans l’histoire de Pierre le Grand, que je me dispense de lui rappeler. Les différens sentimens, dont je suis agité dans cette occasion, d’estime et d’amitié pour Votre Majesté et de ce que je dois à ma couronne, me tiennent dans une vive inquiétude et j’attends de Votre Majesté qu’elle suggère le moyen de satisfaire l’une et de ne pas manquer à l’autre. »

La réponse du général Acton était conçue dans le même sens. Palmquist comprit alors qu’il avait été joué ; il dut repartir les mains vides et « sans ramener l’oiseau. »

A Rome, Piranesi, qui avait contribué à cette démarche, en attendait anxieusement le résultat. On doit croire qu’il l’avait prévu et qu’il s’était apprêté à réparer l’échec de la diplomatie suédoise. En effet, quelques jours plus tard, le gouvernement de Naples était averti que quatre individus soudoyés par l’agent consulaire venaient de partir de Rome avec l’ordre d’enlever le baron d’Armfeldt mort ou vif. Deux d’entre eux furent arrêtés en arrivant à Naples ; l’un des deux autres s’échappa et trouva un refuge sur le bâtiment que commandait Palmquist. C’en était assez pour convaincre la Cour que cet officier avait trempé dans une tentative d’assassinat.

Cette affaire, qui donna lieu à un procès criminel engagé à Naples contre les émissaires de Piranesi, eut alors un grand retentissement. Il n’y a pas lieu d’en détailler ici les innombrables incidens. Nous rappellerons seulement qu’ils allumèrent entre la Cour de Naples et celle de Suède une querelle longue et violente qui durait encore en 1195. On en retrouve les échos dans un grand nombre de rapports diplomatiques. La violence en fut poussée si loin qu’on vit la Cour de Suède, à la date du 15 octobre 1794, déclarer à celle de Naples « que la Providence a mis assez de forces entre ses mains pour qu’elle puisse se procurer la juste satisfaction qui lui est due, mais que, par humanité, elle ne veut pas augmenter les malheurs sous