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Reuterholm fut mis à la tête des amures. Les deux hommes étaient liés ; ils professaient les mêmes opinions, attachaient le même prix à entretenir des rapports cordiaux avec la République française. Maintenu dans ses fonctions, Piranesi s’était fait l’âme damnée de Reuterholm. Le ministre lui écrivait souvent. Les messages officiels allaient hiérarchiquement au chargé d’affaires ; mais c’est à l’agent consulaire qu’allaient les communications officieuses. Tenu au courant des soupçons qu’excitait à Stockholm la conduite d’Armfeldt, Piranesi exerçait sur lui une surveillance de tous les instans. Par les correspondans qu’il entretenait un peu partout en Italie, il l’avait suivi à toutes les étapes de son voyage.

Cette surveillance devint plus active lorsque Armfeldt fut arrivé à Rome. Piranesi contraignit Lagersvard à s’y associer. Le chargé d’affaires, après avoir manifesté quelque répugnance à épier la conduite de son chef, finit par subir l’influence de l’agent consulaire et par consentir à le seconder dans sa vile besogne. Ses dires ajoutés à ceux de Piranesi alimentaient les rapports que ce dernier envoyait régulièrement à Reuterholm. Les faits et gestes d’Armfeldt furent ainsi dévoilés à la Cour du Régent.

Ils l’étaient aussi par la princesse Sophie-Albertine qui se trouvait à Rome, sous le nom de comtesse de Wasa. Elle n’avait jamais aimé Armfeldt. Déjà sous le règne de son frère, elle s’irritait souvent de la confiance qu’il accordait à son favori. Elle n’était donc que trop disposée à partager les ressentimens du duc de Sudermanie, dont la correspondance lui révélait à tout instant la vivacité. En présence d’Armfeldt, elle dissimulait les siens ; derrière lui, elle ne prenait pas la peine de les cacher. Dans son entourage, personne n’ignorait qu’elle se déliait du ministre de Suède. Obligé de se montrera la suite, Armfeldt ne se méprenait pas aux témoignages de bienveillance qu’elle affectait de lui prodiguer. « Ma personne ne lui est pas agréable, écrivait-il, et si elle n’était pas de sang royal, je dirais la même chose d’elle. »

Au mois d’avril, la princesse quitta Rome pour aller faire une visite à la Cour de Naples. Dispensé de l’accompagner, Armfeldt se mit en route pour Florence où il devait présenter au grand-duc de Toscane les lettres qui l’accréditaient en qualité de représentant de la Suède. A Rome, la présence de la