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le savons : c’est qu’il y a incompatibilité de principe entre le régime zonien et l’industrie. N’est-il pas regrettable pour la zone et plus désastreux encore pour la production française de voir inexploitée, — et pour quelle cause ! — une richesse dont la France a besoin ?

Toutes ces raisons, et d’autres encore qui font que le régime de la zone franche ne correspond plus à l’état actuel des choses, il semble que les zoniens eux-mêmes aient commencé à les comprendre, depuis que les difficultés douanières avec la Suisse leur ont ouvert les yeux. Ils commencent à s’apercevoir qu’ils n’ont plus au maintien de leurs soi-disant privilèges le même intérêt qu’autrefois, qu’ils ne retirent qu’un bénéfice minime de leurs franchises d’exportation en Suisse, et que les avantages du libre-échange zonien ne compensent pas ses inconvéniens, je veux dire l’isolement économique et l’envahissement de la zone par le commerce étranger, par les produits étrangers. Sans doute l’agriculture a prospéré, mais veut-on condamner la zone à rester exclusivement agricole, alors qu’elle possède d’admirables sources d’industrie, et ne faut-il pas chercher au contraire à étendre son champ de production, à lui dégager la route du progrès ? — En face des politiciens de la zone, qui affectent de voir un droit supérieur et intangible dans ce régime zonien dont ils se sont fait une plate-forme électorale, en face de la majorité zonienne encore hypnotisée sur des prérogatives plus fiscales qu’économiques, une forte minorité, — commerçans, industriels, hôteliers, vignerons, etc., — s’est depuis peu levée en zone pour protester contre la zone : les uns, les plus braves et les moins nombreux, réclament franchement la réintégration dans le territoire français ; les autres, désireux de ménager une transition, de réserver notamment aux zoniens, pour un temps, le bénéfice des produits coloniaux à bon marché, demandent ce qu’ils ont appelé le « double cordon, » c’est-à-dire l’établissement, en plus de la ligne de douane actuelle, d’un cordon douanier à la frontière, lequel arrêterait, pour les taxer au taux des droits français, toutes les importations étrangères à l’exception des denrées coloniales, celles-ci ne devant être taxées qu’à leur entrée en territoire « assujetti. » Le procédé, coûteux et compliqué, n’est sans doute pas bien recommandable ; mais ce qui est à retenir, c’est qu’en zone même on souffre, on se plaint, on commence à revendiquer, directement ou