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fédéral sur l’intérêt que présente le régime zonien non seulement pour le canton genevois, mais pour la Suisse en général. A Berne au contraire, on est surtout sensible aux revendications des « agrariens » et de la puissante « ligue des paysans, » aux plaintes que fait entendre l’agriculture suisse contre les privilèges d’importation de la zone ; le gouvernement fédéral n’a donc jamais témoigné de beaucoup de bonne volonté dans cette affaire zonienne, dont il a d’ailleurs essayé parfois de se servir comme d’une arme diplomatique dans les négociations relatives aux rapports douaniers franco-helvétiques.

De fait, à examiner de près la teneur et les résultats de la Convention de 1881 complétée par les arrêtés fédéraux de 1895 et de 1908, on est amené à constater que les faveurs faites à la zone pour ses importations en Suisse se réduisent en somme à bien peu de chose. Elles ne touchent, comme nous l’avons vu, qu’un petit nombre de produits zoniens, encore ces produits favorisés ne sont-ils pas tous admis à la franchise, plusieurs d’entre eux ne bénéficiant que de simples réductions de droits. Signalons un fait assez étrange. Nous avons dit que la Convention de 1881 accordait la franchise d’entrée à Genève, sous certaines conditions, aux approvisionnemens de marché venus de la zone (12 articles) ; or sur ces 12 articles, il y en a 8 qui jouissent par ailleurs d’une exemption générale à l’entrée en Suisse en vertu du tarif général des douanes helvétiques[1] ; il n’y a donc, quant à ces 8 articles, nul privilège offert à la zone, il y a simple application du droit commun. Mieux encore : la Convention de 1881 fixe une limite de quantités à l’importation de ces 8 articles (5 quintaux par chaque importation), alors que le tarif général suisse ignore une pareille limitation, si bien qu’à s’en tenir aux textes, on pourrait croire que la zone est ici l’objet non d’une faveur particulière, mais d’une particulière rigueur. Si maintenant nous examinons le tableau officiel (1910) des importations zoniennes en Suisse, nous trouvons que, sur une valeur totale de 24 921 556 francs, il y a d’abord pour 9 809 727 francs de marchandises taxées au taux du tarif conventionnel, c’est-à-dire au taux du tarif applicable à toutes autres marchandises françaises ; puis pour 8 843 438 francs de

  1. Légumes frais, fruits frais, pommes de terre, son, paille, foin, poissons d’eau douce et lait. Ajoutons un neuvième article, les œufs, qui sont exemptés dans le trafic de marché par la loi sur les douanes, art. 7, lettre O.