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sur une population départementale de 255 737 habitans, et sa superficie d’environ 3 112 kilomètres carrés, sur une superficie départementale de 4 445 kilomètres carrés : la zone franche, comprenant à la fois la petite zone sarde de 1815 et la zone dite d’annexion de 1860, représente donc à peu près 70 p. 100 du département de la Haute-Savoie.

Sa caractéristique est d’être en dehors de la ligne des douanes françaises : elle est « ex-douane. » Donc, sa porte d’accès est grande ouverte de toutes parts ; tout entre chez elle librement et sans contrôle : elle vit (chose inouïe en Europe) sous le régime du libre-échange absolu. Autre corollaire de l’exterritorialité douanière : c’est l’exonération d’un certain nombre de taxes intérieures (droits sur les bières, les sucres, les huiles autres que minérales, droits de garantie des métaux précieux, diverses licences de fabricans), la minoration de quelques autres (droits sur le sel, sur les cartes à jouer), à quoi il faut ajouter de grosses réductions dans les prix de vente des produits de régie (poudres, tabac, allumettes). Les « zoniens » échappent ainsi à un tiers environ des charges fiscales payées par les autres Français. Grâce à l’ « entrée libre » d’une part, et de l’autre aux adoucissemens fiscaux, ils ont bon nombre de denrées de consommation à des prix un peu inférieurs aux prix de France : ils ont la vie moins chère.

La zone est, disions-nous, hors la loi douanière. Ses importations en France seront donc taxées par la douane française ? Ainsi le voudrait, en bonne logique, l’application stricte du principe des zones franches, territoires « réputés étrangers, » ouverts sur l’extérieur et fermés sur l’intérieur. Cette conséquence rigoureuse, le gouvernement impérial s’efforça d’en adoucir la sévérité lorsqu’il organisa le régime zonien par arrêté du 25 juillet 1860[1] : il entr’ouvrit légèrement à la zone la porte d’entrée en France, en lui donnant le droit d’importer en franchise un petit nombre de ses produits (5 en tout), en quantités limitées et à des conditions déterminées. De fait, il pouvait

  1. Cet arrêté a été pris en exécution du décret du 12 juin 1860 et du sénatus-consulte du même jour, qui avaient prescrit que le régime de la zone serait organisé avant le 1er janvier 1861. Le droit réglementaire ainsi conféré au ministre des Finances a donc été épuisé à cette date du 1er janvier 1861, et juridiquement on peut douter de la légalité de toutes les décisions ministérielles, de tous les arrêtés qui sont intervenus depuis lors pour élargir les privilèges zoniens : des décrets auraient été nécessaires. — On peut d’autant plus regretter que les ministres des Finances aient procédé vis-à-vis de la zone par voie d’arrêtés et de décisions, qu’il est de notoriété publique que des influences politiques sont, depuis une vingtaine d’années surtout, constamment en instance auprès des autorités pour l’obtention de faveurs nouvelles aux zoniens : les ministres successifs eussent été moins désarmés si, pour les satisfaire, il eût fallu la signature de M. le Président de la République.