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ans plus tard, dans les associations formées pour célébrer les Bacchanales, — associations qui semblent avoir eu un but politique autant que religieux, et qui ont été traquées par le Sénat romain avec une sauvagerie impitoyable, — les femmes occupent un rang égal à celui des hommes, et même supérieur : ce sont elles qui ont fondé cette corporation secrète ; elles n’y ont admis les hommes que plus tard, comme par grâce ; et, comme en témoigne le sénatus-consulte rendu à ce sujet, elles y sont restées les plus nombreuses. Trop de détails nous échappent, dans ces mystérieuses affaires, pour que nous puissions affirmer qu’il y a eu alors un mouvement politique féministe : nous n’avons le droit que de poser un point d’interrogation. Peut-être ce mouvement a-t-il existé ; mais, en tout cas, il ne s’est pas généralisé, et il n’a pas abouti.

La plupart des femmes ne paraissent pas s’être souciées d’acquérir des droits civiques : nous ne trouvons nulle trace de revendications à cet égard, de revendications nettes, systématiques, opiniâtres, comme celles des plébéiens par exemple, qui ont été reprises et maintenues avec tant d’acharnement. Et, au surplus, ces revendications eussent-elles été formulées qu’elles auraient probablement avorté : elles ne pouvaient pas s’appuyer, comme celles des plébéiens, sur une force susceptible de s’imposer. Les plébéiens n’ont obtenu gain de cause que parce qu’on avait besoin d’eux pour la guerre, et qu’ils le savaient : leurs sécessions ont été des grèves militaires, et c’est par là qu’ils ont triomphé. Les femmes n’avaient pas ce moyen-là à leur disposition. Un moment est venu où elles ont constitué, elles aussi, une puissance sociale capable d’exiger que l’on comptât avec elle. Quand elles ont eu de l’argent, elles ont, du même coup, eu de l’influence, une influence dont il leur était loisible d’user pour se faire octroyer une large part dans le gouvernement de l’Etat. Seulement, il était trop tard : on était à la fin de la république, à une date où la vie politique régulière était anéantie. En pleine guerre civile, l’obtention du droit de suffrage n’était pas une complète assez séduisante pour valoir la peine d’être tentée. L’époque où les femmes auraient pu obtenir la participation aux droits civiques était celle où ces droits n’avaient plus d’existence réelle.

Quant au régime impérial, il y avait une bonne raison pour qu’il ne leur conférât pas les pouvoirs qui jusqu’alors leur avaient