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voir des femmes magistrats sont des villes d’Asie, à moitié orientales, dans lesquelles les populations primitives avaient pratiqué le régime du matriarcat, et qui en avaient conservé d’obscures survivances. Mais dans la pure et véritable Grèce, les femmes n’ont aucun pouvoir politique, non plus qu’à Rome. Le nom même du régime originel sous lequel a vécu la société romaine, « patricial, » indique à lui seul que les femmes n’y sauraient être comptées pourquoi que ce fût. C’est un gouvernement du patres, de chefs des grandes maisons : nulle place n’y existe pour les femmes, pas plus que pour les plébéiens ou les esclaves.

Il est vrai que, dans la suite, cette infériorité s’est prolongée seulement pour les femmes, et non pour les autres catégories dont nous venons de les rapprocher. Les plébéiens se sont ouvert peu à peu l’accès de toutes les magistratures. Les esclaves mêmes ont réussi à entamer la vieille citadelle patricienne, puisque les affranchis possédèrent les droits de citoyens, et qu’on a vu quelquefois leurs fils arriver à la dignité sénatoriale ou au consulat. Les femmes, au contraire, sont restées constamment à la porte de la cité. Jamais elles n’ont exercé de magistrature, tant qu’a vécu la république romaine : jamais elles n’ont siégé au Sénat ; jamais même elles n’ont voté aux comices pour l’élection des consuls ou l’établissement des lois. Cette immuable sujétion des femmes, contrastant avec l’émancipation politique, au moins relative, des autres victimes de l’oligarchie patricienne, ne laisse pas d’être frappante, et l’on est conduit à se demander si elles sont restées dans cet état parce qu’elles n’ont pas voulu en sortir, ou parce que, le voulant, elles ne l’ont pas pu.

Il n’est pas absolument sûr qu’elles ne l’aient pas voulu, — du moins certaines d’entre elles, et à certains momens. Il est assez remarquable, par exemple, que la période qui suit immédiatement la seconde guerre punique, le commencement du IIe siècle avant notre ère, a vu se produire plusieurs événemens célèbres, sur lesquels nous sommes moins bien renseignés que nous ne le souhaiterions, mais où les femmes ont joué un rôle très actif. En 195, pour obtenir l’abrogation de la loi Oppia, qui restreignait leurs dépenses somptuaires, elles se livrent, en plein forum, à une manifestation collective que les hommes d’Etat du parti opposé comparent aux sécessions de la plèbe. Dix